Deux ou trois heures plus tard,
nous étions à la maison assaillis d’informations et de questions, avec des
grands-parents tout contents et ne tarissant pas d’éloges sur leurs
petits-enfants sages. Je reçus un SMS et poussais un cri que je retins jusqu’à
ce que mes parents partent. Puis je fonçais à l’ordinateur, tapais une petite
recherche rapide pour tomber sur l’objet du délit. Quelqu’un avait filmé toute la
fameuse scène avec un portable et c’était sur youtube ! Nul doute que ça
finirait bientôt sur facebook et là j’allais en prendre pour mon grade. Je
répondis rapidement au SMS, c’était Jasper qui m’avait averti et je lui dis
combien j’étais paniquée, il me répondit aussitôt « you’re a celebrity
now ! » (vous êtes une célébrité, maintenant) avec un smiley.
Pour la première fois de ma
vie, le truc dont je rêvais venait d’arriver, j’étais « copine » avec
mes acteurs préférés et je ne pouvais même pas en profiter, il fallait que
j’endure aussi sec l’engueulade de mon mari. « J’ai une situation
politique maintenant, il faut que tu fasses gaffe à ce que tu dis, on ne peut
pas faire n’importe quoi et patati et patalère », ça allait être ma fête,
pas de doute. Tout d’un coup, une idée encore plus affreuse m’effleura :
et si mes élèves l’apprenaient… et si mes parents l’apprenaient… Mais pourquoi
est-ce j’étais intervenue, dans quelle galère est-ce que je m’étais encore
fourrée ?
Une fois les petits couchés, je
réfléchissais à la phrase la moins agressive possible pour aborder le
problème : numéro 1 j’avais le numéro de portable de Jasper ! le
rêve, numéro 2 j’étais sur Youtube… Mon mari ne réagit pas comme je l’aurais
cru : « bon, c’est sur Youtube, mais c’est tout écrit en anglais, ça
va pas intéresser les Français ce truc-là… Finalement, tu es assez autoritaire
quand tu t’y mets… » dit-il en manière de conclusion… et puis « on
devrait peut-être garder ce film pour prouver à tes copines prof d’anglais que
tu parles bien finalement ! » Les vacances lui avaient fait plus de
bien que je ne l’avais cru. Il se remettait à plaisanter, tout en
m’interrogeant discrètement sur l’identité de l’auteur du SMS. A partir de ce
jour-là, il avait certainement soudoyé notre fils aîné parce qu’à chaque SMS,
ce dernier m’amenait mon téléphone en regardant, ni vu ni connu, l’expéditeur.
Je me dis que l’affaire en
resterait certainement là et je choisis de ne pas abuser non plus avec les
textos. Le pauvre Jasper avait certainement bien mieux à faire que de répondre
à une groupie ! Au fil des jours, la routine reprit le dessus, même si je
recevais régulièrement des SMS de toute la bande. Ils s’étaient mis à me chiner
en disant que le Président des Etats-Unis voulait absolument me rencontrer pour
que je forme ses G.I. et d’autres blagues identiques… des gamins !
Et puis, mon mari rentra du
boulot un soir, ce devait être un mercredi, car je finissais plus tôt et
j’étais bien détendue sur le canapé. « Vite allume la TV, il ne faut
absolument pas rater le journal télévisé ! » dit-il précipitamment en
matière de bonsoir. « Ça va, tu as le temps de prendre une douche et de
faire à manger avant que ça commence, ton frère passe encore à la
TV ? » Il se retourna et me dit gravement « non, c’est
toi ! Tu es déjà passée à la TV à midi ! » Je rougis, je
pâlis, j’imaginais la tonne d’explications à donner le lendemain. Avec de la
chance, personne ne regardait le journal télévisé…
On fit un plateau TV, ce qui
ravit les enfants et j’attendis fébrilement le fameux moment. A la toute fin du
journal, quand je commençais à me détendre, le présentateur annonça le
reportage suivant. C’était présenté sous la forme de la plaisanterie, style
encore une lubie des Anglais, il était question de paris qui atteignaient des
sommes folles pour connaître l’identité d’une mystérieuse femme. Une envoyée
spéciale à Londres expliquait toute l’histoire, l’aéroport, le forcené, mon
mari et moi. C’était monté en épingles, limite si je n’avais pas sauté par-dessus
un tas de valises pour sauver tout l’aéroport à mon corps défendant, tout en
désarmant le malheureux. Ensuite on voyait la scène, sans le son « maman,
c’est toi là » dirent en cœur les petits… Je ne savais plus où me mettre
« Chutttt » dit mon mari très énervé « Écoutez ce qu’ils
disent ! » Le reportage finissait avec ma photo en gros plan sur un
magazine people anglais avec en titre « Who is the fantastic
french ? » (qui est la française fantastique ?).
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