Article épinglé

Syphonnée

Insidieusement
On a puisé 
Dans mon réservoir
Un monstre 
Sans nom
Sans forme
A aspiré
La moindre goutte
De joie
D'énergie
D'envie

Ça ne se voyait pas
De l'extérieur
Je souriais moins
Je ne riais plus
Je sortais de mes gonds
Faiblement
Je réservais 
Le plus gros paraître
Aux autres
A ceux qui attendaient
Un soutien de ma part
Comme un automate 
En roue libre

J'attendais tout
De ma famille
Supposant 
Qu'à me voir faire
Tout ce temps
Ils auraient appris
Comment 
On console
Mais rien
Ils avaient juste 
Appris 
A compter sur moi

Et la suite

Qui suis-je
Où cours-je
Où vais-je
Dans quelle étagère ?

Je pourrais le prendre
A la rigolade
Affronter 
Bravement
Les coups de pieu
Au coeur
Sans voir
L'auteur de ce pilonage
Affreux

Pourquoi ne pas 
Simplement
Profiter 
Des merveilles
De l'instant
Un sourire,
Un "t'es bien coiffé maman"
Un oiseau qui se fige
En nous voyant
Et semble nous sourire

Pourquoi
L'univers
N'est-il pas plus clair
Qu'ai-je dans les oreilles
Pour ne pas bien comprendre

Je suis une femme
Une fille
Une maman
Une épouse
Une enseignante
Un coach à mes heures
Une amie
Une connaissance
Un écrivain

Je mène déjà de front
Toutes ces "carrières"
Quand verrai-je donc
La dernière à sa juste place
Où donc se cache l'éditeur
Qui me rendrait fière d'ajouter
Ecrivain sur ma carte de visite ?

Est-ce que cela suffira
A monter des murailles 
Solides
Contre l'assassin invisible
Le tueur de joie
Le déclencheur de mélancolie
L'affadisseur professionnel...

L'autre point de vue

Tel un lion 
L'homme rentre
Dans sa tanière
Voir sa femme
Et ses enfants
Dans sa voiture
Après avoir fini sa journée de boulot

Il se pose dans son fauteuil
Pour zapper avec sa télécommande
Arrachant difficilement
Le choix du programme
A sa progéniture

Dignement,
Il se rend dans la cuisine
Dévorer son repas
Puis finit calmement 
Le reste de sa journée
Olympien
Mais impliqué tout de même
Dans l'éducation 
De ses enfants
Et le suivi de leurs devoirs

Il ne voit pas les chaussettes
Qui gisent non loin des chaussures
Non rangées
Ni les miettes sur le canapé
Ni la poussière sur les meubles
Ni les araignées
Ni rien

Cependant
Si sa lionne 
Tigresse à ses heures
Lui rappelle son devoir
Le lionceau qui sommeille 
En lui obéit
Bravement
Et affronte toutes les tâches
Ingrates
Stoïquement
Non sans le faire remarquer
Plusieurs jours d'affilée
Et emporter les acclamations
De la foule en délire
Pour avoir si bien entretenu 
La tanière...
Le week-end !

Question de points de vue

La femme
Avance dans sa maison
De ses yeux de faucon
Elle repère
La poussière
Les objets qui ne sont pas 
A leur place
Les choses
Qui doivent
Absolument 
Etre nettoyées
Et tout en progressant
Elle fait la liste
Des choses à faire
Des rendez-vous
A ne pas rater
Pour elle
Et toute la famille
C'est la déesse
Du Foyer
La vestale pure

Mais aussi le Janus
A plusieurs visages
Elle est plusieurs
En une
La femme
L'épouse
La mère
La fille
La soeur
La cousine
La mère d'élève
L'amie
Et toutes travaillent
De concert
Dans un même corps

Si l'une se sent
Lésée
Tout l'équilibre
Précaire
Se fissure
Se lézarde
Et tout le scotch du monde
Et tout le stuc des Beaux-Arts 
Ne pourrait
Recoller
La blessure invisible

Un peu d'amour, 
Un peu d'attention
Un peu de tendresse
Et la plaie se referme
Jusqu'à la prochaine fois

N'oubliez pas 
Ces remèdes simples
Sinon c'est la cassure
Complète
C'est l'effacement du répertoire
C'est la rencontre du juge
C'est la fin