Article épinglé

Happiness robber

Je la vois,
A l'affût, 
Tapie dans l'ombre
A se morfondre,
Sur ces bonheurs
Perdus,
Sur sa solitude
Profonde

Elle a toujours
Le plus beau cadeau
Et si une consigne est donnée
Toujours l'inverse
Elle fait

Une façon de montrer
Sa valeur,
Dans la compétition
Elle s'inscrit,
Une façon de quémander
Du bonheur,
Votre regard 
Elle mendie.

Tu as bien de la chance !
Disent les autres,
A qui je me plains.
Certes !
En un sens
J'ai de la chance,
Mais cependant,
Mon coeur
Me prévient
Contre la voleuse
De bonheur
Qui efface 
Par mégarde
Ma présence.

Certains jours
Peu m'importe
Car mon coeur 
Est plein de bonheur
Et de câlins
D'autres jours
La colère m'emporte
Car mon âme 
Languit 
De tendres 
Soins

Est-ce parce qu'au fond
Je redoute
De ressembler 
A ce triste portrait
Lorsque les enfants 
Prendront leur route
Me laissant
Comme un phare
Esseulé 
Au loin ?

Une échappatoire

Où te caches-tu Esprit de Noël ?
Quand donc t'ai-je perdu ?
Petite, c'était les décorations dans le salon
Dorées ou argentées
Le sapin dans ses habits de fête, 
Les bougies allumées, 
On ne savait pas trop pourquoi,
Les chants de Noël
Au coin du feu de bois
Les soirées jeux de société...

Dents serrées 
Attendant la date imposée
Un peu avant- 
Un peu après 
Pour un côté,
Toujours le 25 
Pour l'autre,
La veille de Noël
Nous reste...

Qui fera quoi ?
Qui cuisinera quoi ?
Qui achètera quoi ?
Qui récoltera le plus 
De louanges pour tout ça ?
Qui obtiendra ce qu'il désire ?
Qui survivra à la journée ?
Chapelets d'angoisses croisés,
Disparus bonheur et volupté...

Faut-il briser un mythe
Pour avouer 
Son incapacité
A combler une longue
Liste
De désirs cristallisés...

Faut-il hurler
Sa révolte
Et avoir enfin à soi
Un moment de convivialité
Intégral

La liberté des uns
Commence là
Où finit celle des autres,
Ainsi s'en va le bonheur.


Nouvelle de Noël 2

Les gens toujours pressés, qui pensent toujours ne pas avoir le temps, finissent par se rendre compte, que le temps est à tout le monde et ne disparaît pas sans raison. On ressort les yaourtières, les machines à pain, les moules à gâteau et on apprécie à nouveau de cuisiner en groupe. Nombre de familles se mettent alors à rentabiliser leur jardin, non contentes de refaire du beurre, on se lance dans les fruits et légumes. Certains, parmi les plus angoissés, adoptent une vache de peur de manquer de lait, et son veau, bien entendu.

La majorité, cependant, manque de temps ou peur de rater, se tournent vers l'agriculteur du coin et les marchés sont bientôt envahis de curieux de tous bords qui redécouvrent des produits proches de chez eux. Ha le plaisir de flâner dans les allées, de rencontrer la voisine, de surprendre discrètement ses achats. L'impression de toute puissance quand on arrive à nommer un légume à son enfant, les conseils précieux de la poissonnière ou du boucher pour régaler les papilles, la passion qu'ils mettent dans leurs explications. Tout un pan d'habitudes perdues, sinon de traditions qui se réanime peu à peu.

Puis soudain, c'est la prise de conscience, dans un pays aussi vaste que le nôtre, comment s'est-il donc fait qu'on manque un jour de beurre ?

Nouvelle de Noël 1



Tout commença à cause d'une pénurie. Un pénurie stupide de beurre. Affolement dans les chaumières, aussitôt les journaux télévisés, tout heureux d'avoir enfin quelque chose à dire, s'emparent de l'affaire. 

Peu après les réactions sont diverses, telles qui veulent épater leurs amies, diffusent et propagent les recettes faciles à l'aide de l'électroménager moderne. L'on fait son propre beurre, tel un Devos en folie, on achète des moules made in Bretagne, on dépoussière les vieilles battes de décoration et l'on s'amuse au DIY, do it yourself, fais-le donc toi-même, si tu t'en sens capable ! Nombre de beurres fleurissent ainsi, nature, salé, aromatisé à toute sorte de choses et l'engouement se nourrit de cette nouvelle fantaisie.

D'autres, prenant enfin conscience que le beurre est un produit laitier, de vache, optent pour un virage à 180° et abandonnent à jamais ces produits sataniques : "quoi ? je mettais de la vache dans mes gâteaux ? pas possible !" C'est alors la course au lait végétal, la recherche de l'autre beurre perdu, qui avec du soja, qui avec de l'amande, de l'avoine, bref, une multitude de possibles émergent avec plus ou moins de succès.

miroir déformant

Il était une fois des hommes
Qui, inquiets, observaient la Nature.
"Hum, hum, se dirent-ils, 
Elle semble bien malade, 
Peut-être n'en avons-nous pas
Pour bien longtemps...
Ne paniquons pas 
Et les cieux scrutons
Pour voir si d'aventure
Les oiseaux sont changeants..."
Toujours volant et chantant
Les oiseaux les rassurent
Et nos hommes continuent
Leurs besognes, comme d'habitude.

...
...


Il était une fois des oiseaux
Qui, inquiets, observaient la Nature.
"Hum, hum, se dirent-ils, 
Elle semble bien malade, 
Peut-être n'en avons-nous pas 
Pour bien longtemps...
Ne paniquons pas
Et la terre observons
Pour voir si d'aventure
Les hommes sont changeants..."
Toujours bougeant et travaillant
Les hommes les rassurent
Et nos oiseaux continuent
Leurs chants, comme d'habitude.

...
...

Prenez garde que Dame Nature
Fatiguée de toutes ces injures
D'un grand remembrement
Nettoie tous les injustes

La petite souris

Il était une fois
Dans les temps anciens
La première souris
Aventureuse
Qui trouva 
La première dent 
Tombée et délaissée.

"Quelle est donc cette chose
Blanche et brillante ?
Elle me semble 
Bien dure, 
Je ne peux pas la manger, 
Ni la ronger,
A quoi pourra-t-elle 
M'être utile ?"

La petite souris
La ramena chez elle,
L'entreposa dans son bureau
Et réfléchit...

Elle vit qu'on pouvait creuser 
A l'intérieur
Tout aussitôt 
Elle la vida
Puis enfilant son museau
Dans l'espace libre
Elle le trouva bien confortable,
Et pratique
Mais pour quoi ?

A ce moment-là
Son mari rentra
"Chéri, où es-tu ?
J'ai ramené une noix !"
Bing !!
Le mari venait de rentrer 
En plein dans sa femme
et son nouveau casque !
Il chut sur son gros 
Derrière
Et son cadeau lui tomba 
Des mains, 
Ouvert en deux ! 

La souris retira
Son nouveau casque 
Et s'écria :
"Un casse-noix !"

Depuis ce jour, 
Certaines souris
Confectionnent 
Des casse-noix
Qu'elles vendent 
A leurs riches congénères,
En rendant la monnaie 
A leurs jeunes fournisseurs.


Un pas de côté

Il y a 
De certaines maisons
Qui laissent échapper
Une onde de bonheur
Que leur allure soit
Bien tenue
Ou négligée...

D'autres encore
Sentent le froid
Sépulcral du tombeau
Longs couloirs sombres
Chambres jalousement
Refermées
Pas résonnants à l'infini
Plafonds vertigineux
Pièces secrètes...

Mais rien n'est définitif
Si l'on fait un pas de côté
Si l'on laisse reposer
Les ondes négatives
Des anciens propriétaires
On découvre
Une grande maison
Un vaisseau de pierre
Orphelin 
De rires et de joies

Avant on ne regardait pas
Tellement l'ambiance était morose
On associait
Le lieu aux personnes

Maintenant
On redécouvre 
Une maison 
A longue histoire
Des pierres
Des décorations
De la vibration
Qui n'attend que le bon
Propriétaire
Pour paraître
Dans toute sa beauté

L'habit ne fait pas le moine

Garde toi de juger
Et méfie toi des personnes
Trop sympathiques.

Il était une fois
Dans un village 
De province
Une nouvelle arrivée.

"Je ne connais personne,"
Se dit-elle, 
"Et mes enfants sont loin
D'être sages...
Comment savoir
S'ils sont bien 
Intégrés, 
Et comment 
M'intégrer moi-même ?"

Le matin lui livra réponse.
Alors qu'elle déposait 
Ses enfants chéris,
Elle aperçut 
Des regards en coin,
Des sourires moqueurs,
"Je suis nouvelle,
Se dit-elle,
Bientôt on m'abordera..."

Puis elle se mit à suivre,
Les coutumes locales,
Faire un signe de la main
Pour souhaiter aux enfants
Du bus, bon voyage.
Cela lui parut étrange,
Mais si telle était la coutume.

Puis elle vit
D'autres mamans 
Qui déposaient leurs enfants
Si rapidement
Qu'elles semblaient
Avoir des choses fort
Passionnantes
Et fort pressées à faire.

Lorsqu'on l'aborda finalement
Elle comprit un peu
Ce qui activait les autres.
On lui posa mille questions 
Sur son origine
Où elle habitait 
Et ce qu'elle faisait,
On lui proposa même 
Du travail.
Quelle aubaine !

Plus tard, elle aperçut 
De nouvelles mamans
Un peu plus à l'écart
Des mamans qui fumaient
Des mamans qui semblaient
Mal à l'aise 
Et des mamans fort 
Bavardes comme elle.

Enfin, elle s'aperçut
Que le travail proposé
N'était qu'une occasion 
De plus, de se renseigner
Sur les moeurs 
De son village,
Elle comprit 
Que les invitations 
Au café n'étaient 
Que polies.

Finalement,
Elle se décida 
A mieux faire connaissance
Pourquoi rester à l'écart
C'était un bon 
Exercice
Pour lutter contre
Sa timidité 
Et se faire de nouvelles amies

Point n'est juste
De ne se fier 
Qu'à l'apparence
Bien souvent 
Les sens sont trompeurs :
Connaître
L'esprit et l'âme 
Des gens
Est bien plus révélateur.



Profond

C'est l'histoire de trois enfants
Un garçon et deux filles
Qui dans la campagne
Se promenaient.

"Il fait bien soif"
Dit la plus jeune fille.
"Quoi, tu es déjà fatiguée ?"
Remarqua le garçon.
"Elle n'a presque rien 
Déjeuner !"
Expliqua la grande fille.
"Bon, bon, allons
Vers ce vallon,"
Bougonna le garçon,
"Car tout en bas,
se trouve un puits".

En tout en s'amusant,
Les trois compères
Cheminent 
Et descendent 
Sans fatiguer
Au bas du vallon.
Riant et se poussant,
Ils jouent
A chat
Qui se tirant 
Le pull rayé
Qui attrapant
Un pantalon fuyant.

"Mais qu'entend-on ?"
Demanda la plus jeune fille.
"Un oiseau probablement !"
Expliqua le garçon.
"Quel oiseau ferait un tel bruit ?"
Insista la grande fille.
Alors tous trois
Du puits 
S'approchent 
A petits pas.

La grande fille, 
De toute sa hauteur
Plonge son regard
Dans le sombre précipice ;
La petite fille
De la margelle 
Observe le haut du puits, 
Tandis que le garçon
Un seau plonge
Du bout de ses bras.

Enfin, 
Après quelques minutes
Et peu d'effort, 
Voilà qu'il remonte
Avec précautions 
Et curiosité...
Un petit chat
Tout mouillé 
Et miaulant.

Pour Cécile Veilhan.
Hommage à la peinture d'automne.
Tableau de Cécile Veilhan "Profond"

Et si la magie...

Et si la magie
N'était pas 
Que dans les livres,
Dans cet ailleurs, 
Rêvé,
Connu,
Inaccessible.

Pourquoi croire
Dur comme fer
Au destin de son héros
Préféré
Avoir foi en son monde
Aveuglément
Craindre pour sa vie
Pour cet univers virtuel...

Avant c'était toujours mieux
Autrefois
Etait différent
Plus calme, plus posé
Plus intérieur, 
Plus extérieur aussi

En voulant contrôler
Cette peur de la nature sauvage
De la nuit noire
Des endroits où 
Les animaux sont rois
Nous nous sommes
Peut-être 
Coupés de l'animal qui est en nous

Si je m'extasie pour la finesse
De cette toile d'araignée,
Si je souris 
Quand ma chatte me regarde
Si je suis surprise des jeux
De lumière des arcs-en-ciel
Des nuages
Du brouillard
Pourquoi serait-ce mal ?

C'est que je vois la Nature,
Ses merveilles
Ses lutins
Ses farfadets
Je vois ma maison
Je vois mon sanctuaire
Et je n'en demeure pas moins
Qui je suis...
Formée au virtuel
A la critique
Au doute raisonnable
Capable d'empathie
De compassion
De tendresse

Si je délaisse le virtuel
Les messages subliminaux
Des gouvernants
Des marchants
Trouverai-je
La vraie puissance
Qui est en moins ?
Sentirai-je 
La chaleur de l'énergie
Que nous partageons 
Tous 
Dans mes mains ?
Et si c'est le cas
Qu'en ferai-je ?

Qui je suis ?

Je suis un gros point d'interrogation.
Le plus gros qui se puisse imaginer.
Qui pose des questions sur tout, 
Quasiment tout le temps.

Pourquoi ne fait-il pas ce que je lui demande ?
Pourquoi réagit-il comme ça ?
Que puis-je faire pour l'aider ?
Qui pourra m'écouter...

Les premières certitudes que j'ai eu 
Dans ma vie, 
Je les dois à mes enfants.
C'est ça qu'il faut faire pour l'apaiser.
Là je dois lui dire "non !" 
Le premier "non", le plus dur, 
Celui qui ne sortait pas avec mes élèves
S'est imposé tout naturellement avec mes enfants.

On n'a jamais fini d'apprendre
Mais doit-on pour autant 
Considérer que ce qui se passait avant 
Etait du temps perdu ?
Aurait-on dû être meilleure dès le début...
Pourquoi attendre si longtemps pour être 
Plus performante ?

La question de la mort, 
Directement liée à la vie, 
Reste ouverte à jamais
La question de l'après-vie
De ce qu'on garde de soi 
Après soi,
J'en ai une vague idée,
Mais n'est-ce pas plutôt ça
Que je crains, 
Rien 
Totalement effacée
Disparue
Comme jamais existée...

Mon phare

La télé est un phare
Présente contre vents et marées
Toujours opérationnelle
Identique dans chaque maison

Lorsque nous avons déménagé,
Elle est restée mon seul point de repère 
Dans cet océan de nouveauté ;
Passé le choc d'un déménagement
Auquel je m'opposais fermement
Et lorsque j'ai bien compris
Que mon avis importait peu
Elle seule, me proposait exactement
Les mêmes choses que là-bas

Comme lorsque je partais 
Ailleurs
Chez mes grands-parents
J'avais au moins 
Un repère identique
Familier
Fidèle

Du coup, la simple idée
Que j'allais rater
Mon épisode
Mon programme
Ma série
Me mettait dans des états
Lamentables
Demandez-vous 
Si vous trahiriez une amie
De gaieté de coeur ?

Et puis la sagesse est venue
Le virtuel s'est peu à peu 
Détaché du réel
Promptement 
Remplacé par cette machine
Formidable, 
Capable de prouesses 
Illimitées :
L'ordinateur.

Le nuage noir

Lorsqu'on parle avec les gens
Depuis suffisamment 
Longtemps
On développe 
Une espèce d'image
Supplémentaire
En les regardant

C'est un instinct 
Qui s'éveille
Et s'entretient
Comme lorsqu'un chien
Vient spontanément vers vous
D'un simple regard
Ou lorsque vous vous méfiez
D'un autre, qui pourtant,
Semble tout doux

Certaines personnes
Qui ont besoin de vous,
Vous font confiance
Rapidement,
Place leur avenir
Entre vos mains,
Et vous suivent
Aveuglément,
Et pourtant 
Elles échouent...

C'est que,
Contrairement aux saints
Dont l'auréole blanche
Révèle l'âme pure,
Ces personnes
Sont ceintes 
D'une nuée noire
Opaque et persistante
Qui les empêche
D'intégrer et d'utiliser 
Pleinement
De nouveaux acquis

Elles se rendent compte 
De leur handicap
Sans arriver à le résoudre
Ce qui l'augmente 
Par une perte de confiance
En soi qui va crescendo

Cependant elles persistent
Résistent
S'accrochent
Et échouent bien souvent
A peu de points 
De l'examen...
Pour mieux briller
L'année suivante
Une fois qu'elles se sont 
Débarrassées
De leur encombrant nuage

Le plus difficile
Est cependant 
Ailleurs, 
Avoir la nuée noire
Soi-même 
Et l'ignorer.


Silence

Lorsque les trains 
Ne claironneront plus
Lorsqu'ils se croisent

Lorsque les transporteurs 
Ne cligneront plus
Des phares
Lorsqu'ils voient
Un confrère

Lorsque les motards
Ne tendront plus
Le pied
Pour remercier de s'être
déporté pour eux

Lorsque les gens 
Ne daigneront plus
Lever la main
Pour remercier
L'autre
Qui leur laisse passage

Alors le silence
Sera non plus salutaire
Et reposant
Il sera lourd
Et angoissant

Car alors,
La solidarité
La complicité entre hommes
Au sens large,
Le vivre ensemble
Avec l'autre différent
Mais pareil
Seront morts...

Profite de la vie

Cent fois sur le métier
Remets ton ouvrage
Cent fois dans sa boîte
Range tes doutes...

Suis-je moins forte
Car je persiste
Ou suis-je faible
Car je ne pars pas ?

Je regarde ma maison 
Et ses trésors amassés.
Devrais-je m'en séparer ?
Pour qu'elle retrouve 
Du souffle
Comme ces émissions
Où les maisons prêtes 
A être vendues
Retrouvent un charme envoûtant 
Une fois désengorgées
De leurs objets indigestes...

Ou ces objets 
Pittoresques
Font-ils au contraire
De ma demeure l'unique,
Le nid idéal
Pour ma famille et moi

Souvent, je compare
Je jauge
Je juge
Mon intérieur 
A l'aulne des autres
Et je me méjuge
Car point n'est besoin là
De comparaison
Tous différents
Comme nos demeures,
Comme nos enfants
Comme nous-mêmes

Puissé-je un jour 
Etre fière
De cet amas 
De choses mal rangées
De cet amas
D'amour qui déborde
De cet amas
De souvenirs recueillis
Comme une galerie 
Gratuite et mystérieuse...

Le fuyant

Il glisse et fuit 
Se dissipe 
Dans le lointain
Et ne parait 
Que lorsque 
Vous ne l'espérez plus

Son estomac
Dicte ses choix
De telle réunion
De telle invitation
Si repas il y a 
Il sera là

Puis le dépaysement
L'appel de la maison
Impérieux
Voici son deuxième choix

La parole donnée
L'obligation
Les responsabilités

Toutes ces qualités 
Qui vous l'ont fait aimer
Se liguent à présent
Pour vous l'enlever

Combien il est attentif
Concentré
Avec les autres
Distant
Distrait
Ennuyé avec vous

Ignorant ce qui sera le plus blessant
Il en laisse ses phrases en suspens
Vous accusant d'avoir mal compris
Si vous avez fini
Ses discours fuyants
Au pire possible.

Est-ce vous qui vous enterrez vive
Dans cette sacrée maison ?
Est-ce lui qui vous y oublie 
Avec la certitude de vous y retrouver ?

Auriez-vous dû croire aux présages
et réagir dès le premier abandon
Dès le premier match
Dès la première contrariété
Dès la première fois 
Où, vous retournant, vous l'avez cherché...

Ou êtes-vous cette goule 
Si odieuse ailleurs
Que vous ne la voyez plus en vous ?

Je n'en ai pas fini

Je n'en ai pas fini
Pas fini avec cette lutte 
Insaissante 
Contre moi-même...

Lorsque la fatigue,
D'un claquement de doigts
D'un mot de travers
D'un repas non fait
D'un objet non rangé
Fait s'écrouler mon univers
Pierre à pierre...

Tout me semble impossible
Désespéré
Désespérant
Et pourtant
Si je me repose
Mes yeux revoient 
Le rose de ma vie
Le perçoive partout
Jusque dans l'Univers...

Que faut-il donc 
Que je fasse 
Pour que le ciel 
Reste bleu
Durablement
Et solidement ?

Cesser de réfléchir 
Et être
Etre dedans de soi
Etre soi
Ne plus faire 
Hors de soi
Pour soi ou les autres :
Que de chemin 
A parcourir encore...

Et si en chemin
Je me perds
Quelqu'un le remarquera ?

Les échos

Certaines oeuvres font écho 
A mon âme
Elles font résonner
Mon esprit
Font vibrer 
Mon coeur

Penser qu'on a en soi
Tout un monde
Un univers
Propre
Incommensurable
Se retrouve
Aussi 

Dans des films
Comme Matrix
Si ce qui nous entoure
Peut être modulé 
Par rien moins 
Que son esprit
Si on pouvait 
Voler...

Si les livres étaient 
Des mondes
Des créations
Infinies
Comme 
Dans l'Histoire sans fin
Où l'on peut rentrer
Dans le livre 
Qu'on lit 
Et vivre les aventures qui y sont 
Décrites

Comme dans Supernatural
Où les hommes 
Egalent les dieux 
Avec leurs millions de mondes
Dans leurs millions de livres
Dévorés par le scribe 
De Dieu

Et si nous étions tous 
Bien plus puissants
Que ce que nous pensons... 

Les yeux perçants

On prend tellement l'habitude
De porter un masque
Qu'on ne s'en rend 
Presque plus
 compte.

Sourire, 
Malgré tout,
Contre tout, 
Et endurer
Pour dépasser
Plus tard.

Certains qui vous connaissent 
Bien
Vous remarquent si peu,
Trop heureux
Que vous les écoutiez,
Pour se douter 
Que vous auriez besoin
De la même écoute
Attentive...

D'autres 
Que vous rencontrez 
Pour la première fois
Regardent 
Profondément
A travers votre masque
Vos couches de protection
Si minces pour eux.

D'autres
Lisent en vous
Comme un livre ouvert,
C'est gênant
Pour le système 
Que vous aviez mis en place
Et parce qu'il est si rare
Qu'on vous demande vraiment
Ce que vous ressentez
Que vous ne savez plus
Comment l'exprimer
Sans vous retrouver
Soudain
Toute nue.

Pour A. et ses frères

Comme une cigarette
Qui pollue la personne
Mais a aussi des effets sur l'entourage
Le tabagisme passif
Pour rester dans les termes justes,

Il y a les gens
Volontairement
Agressifs
Et méchants
Ceux-là on les repère de loin
On les fuit comme la peste
Et c'est comme une malédiction
Quand, par malheur, ils s'abattent sur vous.

Et puis, il y a tous les autres
Ceux que vous aimez bien
Mais qui vous font quelque fois
Du mal 
Sans le savoir.

La sensibilité est toujours
A double tranchant
Elle est utile à l'artiste
A l'écrivain,
Mais peut aussi s'avérer nocive
A ceux-là même 
Qui l'utilisent

Il faut construire
Son for intérieur
Le renforcer
Sans arrêt
Surtout en état de fatigue...

Car c'est alors, que se révèle
Votre personnalité profonde,
Quand pour un objet réfugié par erreur,
Vous vous mettez à fondre
En larmes inextinguibles,
Devant la fragilité démasquée
D'une parente adorée.

Combien de temps 
Les douleurs de l'enfance
Mettent-elles à s'effacer ?
Reçoivent-ils un châtiment
Les parents indignes
Dans l'au-delà ?
Savent-ils bien
Combien de vies
Ils ont amoché
Avec leur égoïsme forcené ?

L'amour est un engrais puissant,
Mais l'absence d'amour 
Ne se comble que difficilement...