Article épinglé

Le défi

A force de chercher 
Des façons d'aller mieux,
Pour moi
Pour mes hommes
Pour ma chatte
Pour mes parents
Pour les copines,
J'ai fini par y voir 
Un peu plus clair
Dans ce fatras
Qui me constitue...

Qui suis-je dans le fond ?
Une énigme,
Mitonnée d'une moitié 
De chacun de mes parents
Façonnée par la vie 
Elle-même
Balottée entre plusieurs tendances
Et beaucoup de complexes
Je suis cette femme.

La dernière de la fratrie
N'aimant rien mieux 
Que de disparaitre
Dans la tapisserie,
Pour réapparaître
Avec rien moins 
Qu'un coup d'éclat
Un "ha" ébahi.

Dans le fond, 
J'aime les défis
Les choses impossibles 
A réussir, 
Qu'il faille me surpasser
Apprendre encore une nouvelle chose
Dans le but d'aider cet autre
Dans le but de supprimer un peu plus
De douleur
Dans ce monde
A ma façon....

J'aime le changement
La différence
La difficulté
Je me trompe dans la facilité
Par excès de confiance
Mais je suis tellement prudente
Quand je ne sais pas 
Que je faillis peu
Comme une sorte d'Apollon
Je rajoute sans cesse des cordes
A ma harpe
Sans bien savoir 
Si elles me seront toutes utiles...

Et si le silence se fait
Qu'il en vienne à être pesant
Alors je prends ce temps 
Pour observer mon monde,
Et je ne vois que les défauts
Les imperfections
Le manque de finition
Le manque d'attention 
Envers moi
Envers les enfants
Envers tout
Et tout autour de moi 
S'assombrit...
Jusqu'à ce qu'une peinture me sauve
Jusqu'à ce qu'une lecture me stimule
Jusqu'à ce sudoku, ce mot croisé
Ce cours tombé du ciel
Cette demande urgente
Et alors
Alors
Je retrouve mon enthousiasme
Alors
Je pourrais soulever le monde avec mon petit doigt !

6 ans

Six ans ont passé,
Ca y est, 
Ca va...

Les enfants ont grandi
Ils vont bien
Ils sont collants à souhait
Toujours en demande 
D'une nouvelle faveur,
D'une nouvelle attention,
Normaux et équilibrés...

Le mari est toujours là
Après douze ans officiels
Quatorze officieux,
Malgré les coups de gueule
Les sautes d'humeur
Les pleurs désespérés la nuit
Les balades plus ou moins
Romantiques
Les bisous, les câlins, 
Toujours là
S'améliorant
Comme le bon vin
Comme moi...

Et puis soudain
C'est le retour du monstre
Sous une autre forme
Agressif et sournois
Mais ce n'est pas le plus dur
Ce n'est qu'une secousse
Une réplique

Finalement ce qui réveille la douleur 
La vraie
C'est la souffrance de cette autre
Qui se voit partir
Bout après bout
Et dont l'orgueil se heurte à 
Cette déchéance 
Subite et violente.

Et ce sont les mots 
Qui sont mes amis
Que je cotoie
Que je chéris
Qui me trahissent dans la bouche 
De cet autre,
D'une violence inouie
D'une condamnation sans appel
Et qui réveillent
Tout le travail fourni
Dans l'épreuve précédente...

Non je n'aurais pas le courage
De reprendre 
Ce chemin
De repasser par là
Je ne pourrais pas 
A nouveau affronter ça
Prétendre que ça ira mieux
Qu'il ne faut pas perdre espoir
Qu'il faut y croire encore
Que de simples prières
Des certitudes du coeur
Seront assez puissantes 
Contre le monstre
C'est au-dessus de mes forces
Ce n'est plus moi

Cette fois-ci
Je choisis la fuite
Pour mon propre salut
Je ne peux pas.

Ma copine S

Parmi la cohorte des amies rencontrées
A la fac
L'une d'entre elle
Fut perdue au moment où 
Elle m'aidait
Sans que j'aie compris pourquoi...

Bien plus tard, 
Une amie commune, S aussi, 
Nous rapprocha 
Tant et si bien
Qu'on ne se quitta plus
Pendant des années,
Appelant tous les jours 
Tous les deux jours au pire
Et restant des heures
A toujours trouver à se parler.

Mais, insidieusement,
La séparation avait repris :
Se mêlant de plus en plus
A sa nouvelle patrie,
Elle en adoptait tous les codes
Et les usages, 
Pour ne rien perdre
De ce qui se dit
De ce qui se fait.
Et de plus en plus,
Nos conversations devenaient à sens unique.
Episodiquement,
Elle s'en apercevait
Sans arriver toutefois à le corriger
Sans que j'aie l'envie non plus 
De le souligner.

Si je me plaignais de mes enfants,
Pour comprendre ce qui n'allait pas
Elle comparait avec les siens
Et oubliait ma situation....

Il fallait qu'elle soit la meilleure
En tout, tout le temps
Au travail
A la maison
Et même avec moi,
Son mari l'était d'emblée
Ses enfants avec du travail.

Cela cachait surement
Une angoisse
Une crainte
Que je n'abordais jamais.
Une fois je l'ai contredit
Elle ne m'a pas rappelé d'un moment
Deux ou trois fois
Elle m'a fait pleurer
Eclaboussant ma nullité 
De son aura de perfection.

Une fois je l'ai fait pleurer
Sans m'en apercevoir
Et le fossé fut définitivement creusé
A cause de mes angoisses
A cause de ses angoisses

Cela fait longtemps qu'on ne se parle plus 
Presque six mois ont passé
Un vide a pris sa place
Mais ai-je vraiment 
La force de le combler :
Qu'ai-je à lui offrir ?
Que pourrait-elle m'apporter ?
Nous sommes trop différentes 
Par bien des aspects
Outre le niveau de vie
Le nombre d'enfants
La façon d'envisager l'avenir pour eux
Nos attentes
Tout nous sépare...
Et pourtant, nos conversations me manquent
Et pourtant, je souhaite qu'elle ait trouvé 
Le soutien qui lui convient...