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Fantastic french 10 The end !

Misha me jetait des coups d’œil et détournait la conversation autant qu’il le pouvait pour me laisser le temps de réfléchir à la réponse. J’eus l’impression que ça durait une éternité, que ça n’en finissait pas. Et puis, je commençais à me détendre et je finis par retourner un peu la situation en demandant au présentateur, qui trouvait mon niveau en anglais excellent, mais mon accent drôle aussi, ce qu’il savait dire en français. Il me dit « croissant au beurre » en souriant et je lui dis « je vous donne un A pour le choix du gâteau, mais un C pour la prononciation ! » ce qui fit beaucoup rire le public et Misha. Le présentateur sauta sur l’occasion pour me faire confirmer que j’étais bien professeur et termina notre interview en rappelant le nom de l’association de Misha et mon nom, si quelqu’un voulait un jour apprendre le français en France ! On le remercia tous les deux pour l’invitation et il y eut une pause dans le studio, Misha me dit que c’était pour la pub. Le présentateur me serra énergiquement la main, il était trop content du résultat. On retira nos micros et je croisais Curcumber que je présentais brièvement à Misha, il était ravi, il avait adoré Strange aussi.
On retourna dans nos loges pour y récupérer nos affaires et je soufflais abondamment, plus jamais ça, mon dieu ! Bien contente que ça soit fini, j’allais pouvoir profiter du séjour maintenant. Je pris quelques minutes pour rappeler ma moitié, il était content que ça se soit bien passé, mais pas très concentré sur les détails, un collègue conseiller l’avait appelé pour lui soumettre une idée et il était en train de surfer sur le net pour avoir des éléments de réponse.
Misha me dit qu’il y avait un petit salon avec une tv où l’on pouvait attendre Curcumber et je le suivis. J’étais fatiguée, se concentrer en anglais, c’était énergivore. Il était tout sourire, ravi d’avoir pu expliquer ce qu’il faisait et même d’avoir pu glisser un mot ou deux pour les autres acteurs de la série qui étaient tous engagés pour une cause particulière. Il me montra les sms du groupe, ils étaient contents du résultat et me félicitaient, tout en se moquant de mes joues « il faudra que tu m’apprennes comment tu fais pour ne pas rougir, c’est un truc que j’ignore » dis-je à Misha qui sourit. J’étais avachie au fond de mon fauteuil en écoutant l’émission d’une oreille distraite et en espérant que c’était fini maintenant, qu’on me laisserait reprendre ma vie ordinaire et simple.
Curcumber arriva quelques minutes plus tard. Il connaissait un petit pub sympa à deux pas, où le café était vraiment bon. Je laissais les garçons discuter entre eux, ils parlaient trop vite et j’étais fatiguée de me concentrer sans cesse. Rien que le fait de les avoir là, en face de moi, me suffisait : quelle chance, un rêve. Ils étaient sympas tous les deux, roublards sur les bords et semblaient jouer à qui est le plus subtil des deux. Au bout d’un moment, Curcumber me demanda si ça allait, je répondis que je n’arrivais pas à les suivre et ils s’excusèrent. J’expliquais que ce n’était pas grave et que j’étais bien fatiguée aussi. Il me dit « et pourtant une femme fantastique comme vous ! » en souriant. Je hochais la tête en souriant aussi, et il sembla rassuré.
Il continua en disant qu’il était tout de même très impressionné, sérieusement, par ce que j’avais fait et je répondis que j’avais juste discuté, comme je le fais toujours. Je me mis ensuite à parler de mon travail, du manque de confiance des élèves et de la société qui poussait à une compétition démesurée à mon avis. Mais là, je pris le temps de réfléchir, c’était compliqué à dire sans le vocabulaire approprié. Et comme j’avais un peu plombé l’ambiance, je déviais sur leur métier à eux deux qui permettait de décompresser et qui était fort important pour moi aussi. Misha expliqua que j’étais aussi une grande spécialiste des séries et même des anglaises et on se mit à discuter encore TV. Pour finir, je le fis rire en lui disant qu’en France, on avait eu droit très longtemps à des rediffusions de Benny Hill et que j’aimais bien aussi. Misha ne comprenait pas, mais Benedict était tout sourire. Enfin pour jouer les touristes accomplis, Misha lui demanda ce qu’il ne fallait absolument pas rater à Londres et Benedict se proposa de nous guider si on était d’accord.
On se donna rendez-vous à côté de Big Ben à 14h car il était attendu pour manger et il nous conseilla d’adopter un style touriste pour passer inaperçu. Je compris pourquoi, car à la sortie du pub, on fut accosté une bonne dizaine de fois par des personnes qui voulaient des autographes. Je comprenais qu’on en demande à Misha, mais à moi aussi, ça me laissait complètement pantoise. Misha sourit et dit « yes, it’s for you ! » ben oui, c’était pour moi. On reprit la limousine pour rentrer, je commençais à avoir mal à la tête, aussi Misha nous fit monter un repas simple dans les chambres, il en profiterait pour téléphoner à sa femme et moi je fis une petite sieste après manger.
J’étais fin prête lorsqu’il vint me chercher, il avait l’air d’un touriste américain, on sourit en se voyant mutuellement ! Je le guidais dans le métro, il avait peu l’habitude et Benedict nous retrouva à côté de Big Ben « you are perfect » dit-il, de parfaits touristes certainement.
On passa une après-midi sympa, à discuter, à regarder, à prendre des photos, je ramenais une petite bricole pour mes loulous, une reproduction miniature du Tower bridge et on rentra, avec des souvenirs pleins les yeux et les pieds trainants. Misha me proposa d’aller se délasser à la piscine, mais on avait décalé le goûter et je me payais une sacrée migraine. Il le comprit bien, il avait l’air d’avoir l’habitude. Le soir, j’étais toujours k.o., Misha vint me saluer, il partait rejoindre Curcumber pour aller voir un spectacle ; il était désolé pour moi, mais je le rassurais, il y avait encore demain matin ! 
Je me fis monter un repas léger et du chocolat, et m’endormis devant la tv qui s’éteignit toute seule. Le matin, j’étais fraiche et dispose, je fis mes bagages pour être tranquille. J’avais choisi un vol en tout début d’après-midi pour ne pas avoir à trimbaler les bagages partout. Misha voulait se changer les idées et rester tranquille, alors on choisit d’aller louer une chaise longue à St James park, au calme pour quelques heures. Les écureuils offraient un joli spectacle, c’était très rigolo, il aimait observer les passants et voir leurs réactions, comme moi.
Et puis, on se mit à parler de son avenir dans la série. Il avait eu peur au début de ne pas durer, mais tout le monde était vraiment sympa et une fois passé le bizutage, il trouvait qu’il s’entendait bien avec les acteurs principaux. Il n’était pas sûr de continuer jusqu’à la saison 60, mais pour l’instant, ça lui permettait de vivre confortablement et d’avoir d’autres activités à côté, donc celle de s’occuper de ses enfants. Il me demanda comment je voyais mon avenir et je lui expliquais que mes ambitions étaient plus pour mes enfants que pour moi, même si j’espérais toujours secrètement être un jour reconnue comme écrivain. Il me sourit et dit qu’il aimerait bien lire un truc que j’aurai écrit et je lui promis de lui envoyer quelque chose rapidement, une fois relu par mes amies prof d’anglais.
On mangea sur le pouce tout en se dirigeant vers l’hôtel et on attendit la limousine qui devait nous ramener à l’aéroport. Son vol était un peu plus tardif que le mien et il ne savait pas encore s’il allait laisser ses bagages à la consigne et musarder encore un peu ou attendre à l’aéroport. J’étais bien moins stressée par l’aéroport d’ailleurs, j’appréhendais, mais j’avais fait tellement de choses qu’il me semblait impossible de traverser encore une autre péripétie. Curcumber m’envoya un sms pour me souhaiter bon vol et je le remerciais de cette attention, il était vraiment sympa.
Tout se passa bien, je montais dans l’avion sans problème et soupirais profondément. Je devais être plus fatiguée que ce que je supposais car je me mis rapidement à rêver. Au bout d’un moment, un bruit, régulier et familier, se fit entendre, lointain tout d’abord puis, de plus en plus fort. Je n’arrivais pas à l’identifier et pourtant j’étais intimement sure de le connaître. Ça m’agaçait.

Et puis, tout d’un coup, je me suis souvenue et je n’ai plus rien compris : comment le ronflement caractéristique de mon mari pouvait-il se trouver dans un avion au-dessus de la France, alors que j’y étais, sans lui ? Pour en avoir le cœur net, j’ouvris les yeux et… me retrouvais dans mon lit, dans ma chambre, à côté de mon mari, dans ma maison. J’avais fait le plus long, le plus précis et le plus complet rêve de toute ma vie. Ni une ni deux, je me levais doucement et descendis directement noter tout ce qui s’était passé sur mon ordinateur avant de l’oublier. Toutes les nuits suivantes, je me concentrais bien pour retourner dans ce pays de rêve où l’on m’appréciais sans me connaître et où je connaissais des acteurs, mais, ce ne fut que le rêve d’une seule et unique nuit…

Fantastic french 9

Misha, lui, était détendu, il avait l’habitude. Il suivit la personne qui nous attendait, nous amenant dans d’interminables couloirs jusqu’à une sorte de loge avec un énorme miroir et des lumières flashies. Une dame me demanda comment je voulais être coiffée, je lui répondis « pareil » ; elle sourit, visiblement, ce n’était pas à la mode. Tout en douceur, elle rectifia une mèche par ci, une mèche par là, puis lorsqu’elle fut satisfaite du résultat, elle me céda à une collègue qui s’occupait du maquillage. Tout ce que je pus lui dire c’était « few », en espérant qu’elle comprendrait « un peu », mais elle m’expliqua qu’avec les éclairages, il fallait tout de même en mettre pas mal.
J’étais en train de râler intérieurement lorsque mon téléphone sonna, j’avais oublié de l’éteindre. Je m’excusai auprès de la dame et discutai deux secondes avec mon cher époux pour lui dire que je le rappellerai après. Alors que la dame s’apprêtait à poursuivre, une tête passa la porte en disant, en anglais, qu’il s’excusait mais qu’il voulait voir qui avait son générique sur son téléphone. C’était Benedict Curcumber de la série Holmes, j’avais récupéré la musique de sa série que je trouvais entrainante et dynamique et j’en avais fait ma sonnerie, ça plaisait à tous mes élèves d’ailleurs !
Je rougis franchement, encore, et j’expliquais brièvement combien j’adorais sa série et sa prestation. Il me dit qu’il venait pour promouvoir son nouveau film : le deuxième opus de Strange, j’étais trop contente, je lui dis que j’avais adoré le premier que j’avais vu en 3D (j’ai bien galéré pour dire tout ça, d’ailleurs). Il semblait content, je lui dis que j’étais avec Misha pour une interview, il proposa qu’on partage un café ensuite.
C’était mon week-end de chance, deux acteurs pour le prix d’un ! Il faudrait que je boive beaucoup d’eau et que je prenne le temps de réfléchir à mes phrases, un vrai anglais, mon dieu ! Il repartit se faire pomponner et je ne desserrai pas les mâchoires, j’étais morte de trouille. Tout à l’heure, Curcumber demanderait « et vous, vous jouez dans quoi ? » et moi je répondrais, « dans rien, je suis une groupie folle » ! Mon dieu, quelle galère, mais quel bonheur, mais quelle galère !

Misha vint me chercher et on suivit quelqu’un d’autre, on nous présenta brièvement à l’interviewer, j’expliquais que je comprenais bien si on parlait lentement et il me dit de ne pas m’inquiéter, peine perdue… J’avais soudain une furieuse envie de prendre mes jambes à mon cou, qui grossit encore quand j’entendis les applaudissements du public, mon dieu, c’était en public ! Misha me sourit et me dit qu’il serait là aussi, que je n’avais qu’à faire des phrases courtes. Des phrases courtes, des phrases tout courts, ça allait être dur, mon dieu, courir discrètement jusqu’à l’aéroport… Un monsieur avec un casque nous dit « ça va être à vous » et j’entendis « Ladies and Gentlemen, today I receive Misha Stephens and… the Fantastic French ! » tonnerre d’applaudissements, je suivis Misha en me disant qu’il était drôlement connu ici ! On s’assit dans des fauteuils confortables et c’était parti. Je répondis comme je pus aux questions, j’avais la gorge nouée et sèche, j’essayais de respirer calmement comme en sophro et de ne pas tout faire en apnée… 

Fantastic french 8

Je ne rentrais pas dans les détails avec Misha qui se moqua de moi en me disant que ça n’était pas la sonnerie de Supranatural et je lui répondis que j’étais une bonne fan, mais pas forcément exclusive... Alors on se mit à parler série TV, je lui citais celles que j’aimais bien et quelque fois ce fut difficile parce que les titres ne correspondaient pas toujours ; et puis, on remonta dans le temps et il se mit à rire des premières séries que j’avais vues et de mes goûts. Beaucoup de science-fiction et de fantastique. En un rien de temps, on arriva à l’hôtel et j’étais vraiment détendue. Il m’accompagna à la réception et se débrouilla de tout, ce qui me soulagea beaucoup et puis on nous fit monter dans nos chambres. Comme il vit que j’étais embêtée, il donna un pourboire au garçon qui avait amené ma valise, j’avais oublié de retirer des livres sterling.
Misha me donna le numéro de sa chambre et il me laissa une petite heure pour me préparer avant d’aller manger au restaurant. Je hochais la tête en découvrant la chambre. J’avais été distraite sur le trajet, stressée en arrivant à l’accueil, épuisée de toutes les émotions et je me rendais compte seulement maintenant que mes bagages devaient vraiment faire tâche dans un hôtel aussi luxueux. Je pris des photos de toutes les pièces, le lit immense dans la chambre à part, le petit salon avec le canapé et la tv escamotée dans un joli meuble, l’immense salle de bain, la vue sur la ville, tout était magnifique. Je commençais à me dire que je n’étais pas tout à fait dans le style, mais tant pis ! Même si je n’avais pas vraiment transpirée, je fonçais à la salle de bain pour prendre un bain relaxant avec un choix de sel et de toute sorte de choses dont je ne voyais pas très bien l’utilité. Je me glissais dans mes affaires pour l’interview de l’après-midi et qui faisaient suffisamment habillées pour un repas chic, je peaufinais le maquillage, négligé depuis longtemps, sans oublier une petite touche de parfum : je ne m’étais pas pomponnée comme ça depuis des lustres. Et évidemment, je m’empressais d’envoyer toutes les photos à mon cher mari pour lui faire regretter de ne pas être venu. Il se montra très fair play et me souhaita un bon séjour et que j’en profite bien, je lui répondis que c’était mon intention, sans entrer dans les détails.

Misha marqua un petit temps en venant me chercher, j’avais réussi mon ravalement de façade, et il nous emmena dans un restaurant non loin de l’hôtel. Je pris des plats connus, je n’aime pas prendre de risque culinaire, et je l’interrogeais sur ses journées, sur sa femme et ses enfants. C’était très bon et bien dosé, et la conversation de Misha était intéressante, il était très drôle aussi, simple, pas imbu de sa personne. Ensuite, il fallut retourner à l’hôtel, car une voiture devait nous chercher pour aller au studio. Je commençais à être sacrément nerveuse, même si la conversation m’avait rassurée sur mon niveau d’anglais. J’avais réfléchi à ce que je pourrais dire, aux questions qu’on pourrait me poser, au vocabulaire nécessaire, mais j’étais toujours complètement angoissée.

Fantastic french 7

Finalement, ça s’était bien goupillé, il avait choisi une date dans les vacances scolaires, ce qui faisait que mes petits étaient avec mes parents et que Mathieu travaillait, il ne verrait même pas la différence, enfin presque. Le plus dur ne fut pas forcément les bagages, quoique. Il fallait quelque chose qui fasse habillé tout en restant décontracté et dans lequel je serai à l’aise, pas un truc blanc ou à pois ou à rayure non plus, ce n’est pas télégénique, ni un truc sexy, là je ne serai pas du tout à l’aise. Je finis par désespérée en regardant ma penderie et me décidais à faire une dépense supplémentaire en allant dans mon magasin favori. J’en profitais pour racheter un maillot, tout en me disant que je ne le porterai que s’il n’était pas là, trop gênant pour moi. Et puis je regardais une tenue plus habillée pour le cas où il me traine en boîte, pas envie du tout, mais qui sait dans l’euphorie du moment… Ensuite, il fallut trouver une stratégie pour l’avion, comme dit Indy « voler, oui, atterrir, non ! ». Déjà l’idée de me trouver dans un aéroport, limite, limite, mais deux, carrément pas, et toute seule ! Au final, je finis avec un cocktail : de pierre, d’EFT et de méditation.
Mon mari m’amena à Toulouse le jour J, un vendredi, on partit vraiment très tôt, il était sûr qu’il y aurait du monde. Il passa tout le trajet à me détailler ce qu’il avait prévu pour la semaine suivante, et le week-end qu’il avait bien chargé aussi ; et je passais tout le trajet à tripoter ma pierre et me répétant que tout irait bien. Au final, on arriva avec une bonne demi-heure d’avance et comme il avait des choses à faire, il me quitta assez tôt pour rentrer organiser ses activités, à commencer par un dîner en tête à tête avec le replay du dernier match de rugby qu’il avait raté. J’avais prévu des sudokus d’un niveau supérieur au mien avec le crayon à gomme évidemment et deux plaques de chocolat, toujours utiles dans ces cas-là. Je sursautais à tous les bruits suspects en priant pour qu’on appelle vite mon vol. Je respirais enfin dans l’avion en dédaignant le paysage et en me disant que j’avais une chance folle de passer tout un week-end avec Misha. Il avait l’air trop sympa au téléphone, hyper cool et zen, ça allait être trop super.
 Et puis, je finis par atterrir à nouveau, je fus dans les dernières à descendre. En me disant que j’avais été folle d’accepter, que j’allais surement faire de nombreuses fautes en anglais, autant parler allemand comme une vache espagnole, bref, c’était une catastrophe assurée. Et puis en sortant avec ma valise, je vis une pancarte avec mon nom, ça m’a fait bizarre, je me présentais et le chauffeur s’occupa aussitôt de mes bagages. Un maladroit fit tomber sa mallette et je crus m’évanouir de peur, mon cœur s’emballa, mais je me concentrais sur le chauffeur, une chose à la fois, une chose à la fois. Il m’ouvrit la porte d’une modeste limousine noire, la grande classe, j’avais le sourire cheese et j’étais toute rouge.

Misha était à l’intérieur, il me salua, j’étais toute impressionnée et fatiguée de tout ce stress. Il me demanda si j’avais fait bon vol, je dis que oui, mais que j’avais un peu stressée à l’aéroport, il hocha la tête. Puis il me proposa à boire, il y avait toute sorte de boissons, mais j’en pris une sans alcool, j’avais mangé tout mon chocolat et je n’avais réussi que trois grilles au sudoku. Il me dit que nos chambres étaient proches et qu’il était très content de la sienne et aussi qu’il avait hâte de visiter un peu. En général, tout était réglé au millimètre dans les conventions, et ils ne voyaient que les halls d’accueil ou les réceptions la nuit, il lui tardait de voir la ville en plein jour. Il était hyper bavard, mais parlait très lentement, je souris à l’idée de trouver plus bavard que moi. Mon téléphone se mit à sonner, c’était mon mari qui voulait savoir si j’étais bien arrivée, je ne me gênais pas pour en faire des tonnes et il raccrocha vivement, sans doute un essai était-il sur le point d’être marqué.

Le dragon et le diamant

Elle tient dans sa main gauche 
Une boîte
De taille moyenne
Tenue fermée par des chaines épaisses et solides
Et un gros cadenas

Dans sa main droite,
Elle tient un diamant
Pur 
Transparent
Bien taillé

Si elle soulevait un coin 
De la boîte
Dans sa main gauche
Elle verrait jaillir
Des flammes et entendrait
Des protestations monstrueuses

Si elle serrait un petit peu
Sa main droite
Un enthousiasme fou
Monterait dans tout son être
Elle se sentirait pousser des ailes
Elle remodèlerait le monde entier
Pour que la paix règne enfin

Alors par peur de trop libérer de choses
Elle regarde la boîte
Et regarde le diamant
Ecrit de temps en temps
Laisse échapper un peu de rage
De temps en temps
Et se laisse envahir par une envoûtante mélancolie
Lorsqu'elle aperçoit le fragile 
Equilibre
De sa vie.

Fantastic french 6

Enfin, un soir où mon maire de mari n’avait pas de réunion, je lui exposais calmement la proposition de Misha et on regarda comment on pourrait faire. C’était un week-end, ce qui impliquait que je pourrais partir le vendredi, même tard et donc je raterai les cours du samedi, mais pour une fois, les élèves comprendraient, les parents aussi, ils étaient tous sympas. Du coup, il faudrait quelqu’un pour amener le grand au tennis le vendredi soir et s’occuper du petit, pendant que quelqu’un d’autre m’emmènerait à l’aéroport. Puis le samedi, il n’avait a priori pas de rendez-vous à la mairie et s’il en avait… il valait mieux que les petits partent en week-end aussi chez l’un ou l’autre des grands-parents.
Je lui demandais s’il voulait m’accompagner (je lui fis même les yeux du Chat Botté), mais la perspective d’un week-end entier en tête à tête avec la télé sans bruit, ni personne qui demande de changer de chaine, semblait vraiment le ravir. Il n’avait pas l’air du tout jaloux, moi/ Misha tout seuls, tous les deux, no stress. C’était, il est vrai, un peu décevant, j’aurai bien aimé qu’il me fasse une énorme crise de jalousie, mais non, il semblait penser qu’il n’y avait pas le moindre danger… Par ailleurs, j’avais demandé à ma copine prof d’anglais si elle pouvait m’enregistrer, tout en me disant que j’aurai une honte pas possible si jamais je disais un truc de travers. Mais elle ne pouvait pas m’accompagner non plus, elle était à un congrès à Paris au même moment, tandis que l’autre copine prof avait programmé un voyage en Grèce.
J’allais être seule, il fallait que je me débrouille et j’allais atterrir dans le même aéroport, sinon c’est pas drôle évidemment… Quelque fois le sort semble vous narguer, ça ne fonctionne pas comme avec Harry Potter « pas à Serpentard » ok, pas de problème ; toutes les fois où je me suis dit, « ça, non » pim ! c’était pour moi ! Comme un boomerang en pleine face, comme un épisode de Sherlock, sauf que je ne meurs pas, je suis juste obligée d’avancer… mais passons.

Je rappelais Misha et lui dis que c’était d’accord. Le seul problème était toujours le même, l’argent. Il se mit à sourire au téléphone et me dit qu’il s’était permis de négocier comme pour lui : prise en charge totale des billets d’avion aller-retour, transport de l’aéroport jusqu’à l’hôtel et paiement total des frais d’hôtel, puis transport jusqu’au studio d’enregistrement compris. En prime, me dit-il une petite somme rondelette m’attendait à l’issue de l’interview qui assurait l’exclusivité à l’émission. Il s’excusa, il n’avait pas pu obtenir autant que pour lui, parce que tout de même j’étais moins connue. Je lui dis que même 50 euros, ça m’irait bien. Il se mit à rire franchement et je me suis sentie bête d’un coup. Mais il n’ajouta rien d’autre. Enfin, avant de raccrocher, il ajouta de penser à prendre mon maillot, une tenue chic pour sortir au restaurant et une pour sortir en boîte, ce à quoi je lui répondis qu’il ne compte pas trop sur la dernière. Moi en boîte de nuit anglaise ? Déjà que je ne savais pas trop ce qu’ils pouvaient passer comme type de musique, en plus je détestais carrément les jupes et les robes et les tenues sexy : mamie s’en va danser, très peu pour moi. Quelle idée, ce Misha !

Fantastic french 5

Misha m’appelait de temps en temps, c’était celui qui parlait le moins vite et qui se souciait de savoir comment j’allais. Johnson m’envoyait des mails pour que je lui donne des conseils pour ses enfants et je recevais des photos de Jasper depuis le plateau avec les blagues qu’ils se faisaient avec Mark. Ils avaient instauré une sorte de compétition depuis que Mark avait trouvé l’intérieur de sa caravane entièrement recouverte de photos de Misha.
J’avais aussi des appels pour des cours d’anglais principalement, une prof qui passe à la télé, c’est forcément du haut niveau ! Mais je mis vite le haut-là, j’avais déjà une bonne dizaine d’élèves, plus quelques extra et je fatiguais déjà. Quelques sociétés me contactèrent enfin pour que je fasse de la publicité pour leur produit ou pour sponsoriser mon véhicule ou que je mette une affiche chez moi, bref, des tonnes de d’offres diverses et variées, quelque fois très alléchantes.
Finalement, Misha m’appela pour me faire une proposition : une chaine anglaise l’avait contacté pour une interview et elle souhaitait que je vienne aussi. Il m’expliqua qu’il avait négocié pour une date proche d’une convention qu’il faisait en Italie, de façon à ne pas venir exprès et comme j’étais nerveuse, ça serait mieux à deux. Il rajouta qu’il en profiterait pour faire un peu de publicité à Grishwish, l’association dont il s’occupait et que si la journaliste posait des questions embarrassantes, il m’aiderait. D’un côté, j’étais rassurée, mais reprendre l’avion pour aller à Londres, me faisait stresser un peu tout de même. Il me dit que les interviews ne duraient pas longtemps, grand maximum une heure, le temps de se faire maquiller et d’enregistrer l’émission et qu’on aurait tout le temps de visiter un peu la ville. Moins qu’un week-end devrait suffire, ça ne me ferait pas perdre trop de temps pour mes élèves. Je lui demandais tous les renseignements et lui dis que je devais y réfléchir et aussi consulter mon homme.
Avant qu’il arrive, j’avais déjà réfléchi à un trajet par train, via le tunnel sous la Manche, mais ça prenait au bas mot 5 heures, contre à peine une heure en avion. N’empêche, même avec des séances d’EFT, de sophrologie ou de magnétisme, je faisais encore souvent des cauchemars à propos de l’aéroport. Je voyais un fou furieux qui supprimait tout sur son passage et finissait par moi. Ou alors un groupe de gens qui se mettait à rire de moi parce que j’essayais d’arrêter un homme qui brandissait une banane en parlant espagnol (ce que je n’ai jamais appris). C’était l’horreur. J’avais réalisé après tout ça que les choses auraient pu très mal se finir et qu’on était passé à un cheveu d’une catastrophe.
Tout ce stress fut compensé par une série de colis venant des Etats-Unis, le producteur de Supranatural avait tenu parole. D’abord, il m’avait envoyé un package complet spécial fan absolue : j’avais tous les dvd, des photos dédicacées, individuelles, en groupe, des photos du plateau de tournage, un t-shirt, un pull, une casquette et même un collier avec le logo de la série, j’étais ravie. Mon mari ne disait rien, mais avait un vague air de moquerie au coin des lèvres. Et puis, je reçus un autre colis, pour les petits cette fois, des vêtements de la série, j’avais dû lâcher leurs tailles dans une conversation, je parle toujours trop… Et enfin, un dernier colis plus modeste contenait des vêtements imitant ceux des deux héros, à la taille de mon mari… Là c’est moi, qui me mis à rire franchement, et nous décidâmes d’un commun accord de renvoyer ce colis là…

A chaque fois, je faisais des photos envoyées en pièce jointe à Jasper en lui demandant de remercier son producteur. Ils étaient trop sympas. Toute cette histoire commençait à m’apprendre des choses sur moi : j’avais toujours eu envie qu’on s’intéresse à moi, mais maintenant qu’on le faisait, je ne savais pas comment réagir. Dans le fond, j’avais envie qu’on soit prévenant avec moi et si on l’était, je me sentais gênée. Ce n’était pas si facile d’accepter l’attention de l’autre, ça révélait peut-être aussi une faiblesse chez soi. 

Fantastic french 4

C’était à peine fini, que le téléphone sonna, le fixe et nos deux portables. Je regardais mon mari, désespérée « qu’est-ce qu’on fait maintenant ? », « Il faut répondre, on n’a pas le choix… » J’aurai mille fois préféré qu’il me dise « Fais tes valises, on part à Tombouctou ! » Même un tout petit trou de souris m’aurait suffit…
Sans se parler, on s’était mis d’accord, chacun répondait à ses parents. Je faisais mes copines, il faisait les membres du conseil. Au bout de quelques heures, on en a eu assez et on a éteint tous les téléphones. Il fallait expliquer que c’était arrivé comme ça, que je ne l’avais pas fait exprès et que oui c’était vrai, ce n’était pas un montage. Ma mère déclara « Tu nous surprendras toujours ! », mon frère fut averti des faits plus tard, il avait bien trop d’occupations diverses pour regarder le journal télévisé. On me china, on se moqua, la fameuse photo fut placardée à l’école, bref, ce fut un mois vraiment affreux pour moi. On me donna des tonnes de surnom : fantastic Valérie, la frenchie fabuleuse, fantastic (au lieu du prénom), la négociatrice de rêve et bien d’autres encore…
Par contre, il ne fallut pas longtemps pour que je reçoive des coups de fil en anglais. Je n’y connaissais rien en programme anglais, mais tous voulaient une interview à Londres et tous proposaient une somme d’argent contre l’exclusivité. Assez rapidement, j’eus aussi des coups de fil avec un fort accent américain. A tous, je répondais la même chose « I’m sorry, but for the moment I don’t give any interview, I have too much work. Sorry… Goodbye ! » (Je suis désolée mais pour le moment, je ne donne aucune interview, j’ai trop de travail. Désolée… Au revoir !)
Le pire fut lorsque je partis faire mes cours de soutien à domicile, comme d’habitude. Certains élèves faisaient semblant de se ratatiner sur leur chaise en disant, « Ne me grondez pas Madame, je promets d’être sage ! » Des parents furent très étonnés que je regarde ce genre de série et que je me déplace à des conventions ; mais ils considéraient tous que ça relevait de ma vie privée et tant que je faisais bien mon travail, ils n’y voyaient pas d’inconvénient. J’eus aussi droit à quelques blagues pendant quelques temps, mais tout finit par rentrer dans l’ordre. 
Les coups de fil ne cessaient pas pour autant et ils devenaient même plutôt insistants. Jasper m’envoya même un numéro de téléphone en me disant de ne pas l’ignorer, que c’était son producteur et qu’il voulait me joindre. Sur le coup, je me dis encore une blague, mais je l’eus effectivement au téléphone dès le lendemain. Il se mit à m’expliquer de façon très alambiquée que l’aéroport ne faisait pas partie de la convention, mais que si vraiment j’y tenais, on pourrait penser que peut-être l’événement pouvait découler de sa série et qu’on pourrait même envisager un dédommagement pour le traumatisme subi. Je résumais la situation pour voir si j’avais bien compris « vous voulez me donner de l’argent pour ne pas que je vous attaque en justice, parce que j’ai incendié un homme dans un aéroport devant vos acteurs ? » dans un anglais toujours approximatif. Je lui dis que je ne fonctionnais pas comme ça, ni moi, ni mon mari et qu’il n’avait aucun souci à se faire de ce côté-là… Par contre, s’il trainait des photos dédicacées de la série, j’étais preneuse ! Il se décontracta tout à fait, il avait l’air de sourire au téléphone et me promit de m’envoyer de très nombreux cadeaux avec un grand plaisir. Je lui dis que Jasper avait ma carte avec mon adresse et que je le remerciais beaucoup d’avance.

J’en parlais avec mon mari à midi, il me dit que j’avais été bête, que j’aurais dû demander de l’argent, et puis, il se ravisa et dit que j’avais eu raison, qu’on n’était pas comme ça, mais qu’il fallait qu’on trouve une solution pour tous ces appels. On mit au point une stratégie, je demanderais à nos amis de Londres quelle émission était la plus sérieuse avec les noms des journalistes les plus fiables et je ferais la même chose pour les Etats-Unis avec Jasper et sa bande, tout en expliquant que je ne pourrais pas aller si loin. En outre, je demanderais à Jasper comment il négociait ses interviews, ce qu’on demandait d’habitude et comment ça se passait. L’idée de me retrouver toute seule sur un plateau télévisé avec des milliers de personnes qui me scrutent, tout en essayant de ne pas dire de grosses bêtises en direct, me rendait malade. Mais c’était encore la meilleure solution pour qu’on me laisse reprendre ma petite vie tranquille.

Fantastic French 3

Deux ou trois heures plus tard, nous étions à la maison assaillis d’informations et de questions, avec des grands-parents tout contents et ne tarissant pas d’éloges sur leurs petits-enfants sages. Je reçus un SMS et poussais un cri que je retins jusqu’à ce que mes parents partent. Puis je fonçais à l’ordinateur, tapais une petite recherche rapide pour tomber sur l’objet du délit. Quelqu’un avait filmé toute la fameuse scène avec un portable et c’était sur youtube ! Nul doute que ça finirait bientôt sur facebook et là j’allais en prendre pour mon grade. Je répondis rapidement au SMS, c’était Jasper qui m’avait averti et je lui dis combien j’étais paniquée, il me répondit aussitôt « you’re a celebrity now ! » (vous êtes une célébrité, maintenant) avec un smiley.
Pour la première fois de ma vie, le truc dont je rêvais venait d’arriver, j’étais « copine » avec mes acteurs préférés et je ne pouvais même pas en profiter, il fallait que j’endure aussi sec l’engueulade de mon mari. « J’ai une situation politique maintenant, il faut que tu fasses gaffe à ce que tu dis, on ne peut pas faire n’importe quoi et patati et patalère », ça allait être ma fête, pas de doute. Tout d’un coup, une idée encore plus affreuse m’effleura : et si mes élèves l’apprenaient… et si mes parents l’apprenaient… Mais pourquoi est-ce j’étais intervenue, dans quelle galère est-ce que je m’étais encore fourrée ?
Une fois les petits couchés, je réfléchissais à la phrase la moins agressive possible pour aborder le problème : numéro 1 j’avais le numéro de portable de Jasper ! le rêve, numéro 2 j’étais sur Youtube… Mon mari ne réagit pas comme je l’aurais cru : « bon, c’est sur Youtube, mais c’est tout écrit en anglais, ça va pas intéresser les Français ce truc-là… Finalement, tu es assez autoritaire quand tu t’y mets… » dit-il en manière de conclusion… et puis « on devrait peut-être garder ce film pour prouver à tes copines prof d’anglais que tu parles bien finalement ! » Les vacances lui avaient fait plus de bien que je ne l’avais cru. Il se remettait à plaisanter, tout en m’interrogeant discrètement sur l’identité de l’auteur du SMS. A partir de ce jour-là, il avait certainement soudoyé notre fils aîné parce qu’à chaque SMS, ce dernier m’amenait mon téléphone en regardant, ni vu ni connu, l’expéditeur.
Je me dis que l’affaire en resterait certainement là et je choisis de ne pas abuser non plus avec les textos. Le pauvre Jasper avait certainement bien mieux à faire que de répondre à une groupie ! Au fil des jours, la routine reprit le dessus, même si je recevais régulièrement des SMS de toute la bande. Ils s’étaient mis à me chiner en disant que le Président des Etats-Unis voulait absolument me rencontrer pour que je forme ses G.I. et d’autres blagues identiques… des gamins !
Et puis, mon mari rentra du boulot un soir, ce devait être un mercredi, car je finissais plus tôt et j’étais bien détendue sur le canapé. « Vite allume la TV, il ne faut absolument pas rater le journal télévisé ! » dit-il précipitamment en matière de bonsoir. « Ça va, tu as le temps de prendre une douche et de faire à manger avant que ça commence, ton frère passe encore à la TV ? » Il se retourna et me dit gravement « non, c’est toi ! Tu es déjà passée à la TV à midi ! » Je rougis, je pâlis, j’imaginais la tonne d’explications à donner le lendemain. Avec de la chance, personne ne regardait le journal télévisé…

On fit un plateau TV, ce qui ravit les enfants et j’attendis fébrilement le fameux moment. A la toute fin du journal, quand je commençais à me détendre, le présentateur annonça le reportage suivant. C’était présenté sous la forme de la plaisanterie, style encore une lubie des Anglais, il était question de paris qui atteignaient des sommes folles pour connaître l’identité d’une mystérieuse femme. Une envoyée spéciale à Londres expliquait toute l’histoire, l’aéroport, le forcené, mon mari et moi. C’était monté en épingles, limite si je n’avais pas sauté par-dessus un tas de valises pour sauver tout l’aéroport à mon corps défendant, tout en désarmant le malheureux. Ensuite on voyait la scène, sans le son « maman, c’est toi là » dirent en cœur les petits… Je ne savais plus où me mettre « Chutttt » dit mon mari très énervé « Écoutez ce qu’ils disent ! » Le reportage finissait avec ma photo en gros plan sur un magazine people anglais avec en titre « Who is the fantastic french ? » (qui est la française fantastique ?).

Fantastic french 2

Et là je me suis aperçue que le gars tenait une arme automatique avec ces deux mains. Il me regardait fixement semblant chercher un truc à dire et puis, il me demanda « vous êtes française ? », je hochais la tête et il poursuivit « ça fait, je ne sais pas combien de fois que le monde est à deux doigts de disparaître à cause d’eux, alors j’ai pris sur moi de les tuer… »
J’ai mis mes mains sur les hanches, qui n’y sont pas restées longtemps d’ailleurs, je parle toujours à l’italienne ; j’ai pris une profonde respiration et j’ai commencé à argumenter : « non mais, vous pensez vraiment qu’ils viendraient pile se jeter dans la gueule du loup, chez les hommes de lettres anglais ! En plus, c’est même pas eux, ils sont mal rasés, le grand il a un bonnet ridicule et celui-là a acheté une peluche ! En plus, ils sont tous mariés, regardez-moi ces alliances ! Là ce sont des acteurs, ils sont engagés pour faire les conventions à la place des Winhunters et si vraiment, ils voulaient venir, Castello les téléporterait, ils ne prendraient pas l’avion ! En plus, vous comptez faire quoi avec votre pauvre flingue, ils sont protégés par Dieu lui-même, je vous rappelle ! »
J’étais bien lancée, tout en m’inquiétant de la tête des dits acteurs plus pâles que des linges. Je me suis dit qu’ils étaient bien crédules, comment une vraie arme aurait-elle pu arriver si loin dans un aéroport, c’était forcément une fausse et puis il la tenait peu fermement, ce n’était pas un pro, il y avait donc peu de risque. « Bon, vous vous êtes trompés, ça peut arriver à tout le monde… Mais maintenant, il faut baisser votre arme, ça fait peur aux gens, regardez la tête qu’ils font tous ! » Le gars, tout dépité, finit par baisser son arme en marmonnant « Sorry, I make a mistake » (Désolée, je fais une erreur). Mais il ne put pas s’expliquer bien longtemps, trois gros costauds de la sécurité de l’aéroport, le mirent à plat ventre avant d’avoir pu dire ouf et se saisirent de l’arme. Il y eut une grande respiration générale et tout le monde se mit à applaudir en me regardant. Misha me prit dans ses bras et Johnson me donna une grande tape sur le bras.
Mon mari arriva par derrière en marmonnant « il n’y a que toi pour te mettre dans des situations pas possibles, on peut y aller maintenant ? » On venait me serrer la main de partout en disant « Thank you » (merci), les acteurs n’arrêtaient pas dire « fabulous, incredible, you’re a heros » (fabuleuse, incroyable, vous êtes un héros) et plein d’autres choses du même acabit. Un policier s’approcha de moi en demandant « you’re a professional negociator ? » (Vous êtes une négociatrice professionnelle ?). Je n’avais jamais entendu cela avant et je le fis répéter, et puis, je finis par comprendre et lui répondis « no, I don’t work with police, I’m a teacher ! » (non, je ne travaille pas avec la police, je suis enseignante) avec un large sourire.
« Bon on va vraiment finir par le rater l’avion ! » s’énerva mon mari. « Ca va, ça va, je viens ! » je fis un large signe d’aurevoir de la main et m’apprêtais à partir. Jasper Alexy me rejoignit pour me demander au moins mon nom, je lui remis rapidement ma carte professionnelle en lui demandant de garder ça secret, et je courus pour rattraper mon ogre. Il fut d’une humeur massacrante tout le trajet jusqu’à l’avion. Il fallut que je m’excuse un millier de fois et que je lui certifie que, tout d’abord, je n’avais pas vu l’arme et que de toute façon, elle était certainement factice.

Tranquillement installés dans l’avion, je me concentrais sur le hublot et le tarmac, en réfléchissant à ce qu’il faudrait que je fasse en rentrant. Quelques minutes après le décollage, une hôtesse se présenta avec deux coupes de champagne et des amuse-gueules « mais on n’est pas en classe affaire… » dis-je bêtement, comme si elle ne le savait pas. « De la part du personnel de bord, pour avoir évité un bain de sang à l’aéroport, Madame » fut la réponse de l’hôtesse. Je passais instantanément au rouge tomate et Mathieu continua de grommeler « on n’a pas fini d’en entendre parler de ton exploit ! »

Fantastic French 1

Qui est donc la « fantastic french » ?

C’était LE week-end de mes rêves ! J’avais décidé de dépenser une somme folle pour m’inscrire à la convention de Londres. J’allais enfin pouvoir rencontrer mes acteurs favoris. J’avais aussi pris un ticket pour avoir un autographe, une possibilité de dire un truc un peu intelligent à l’un des acteurs, et qui sait ? Moi la quarantaine bien tassée, rétrécie au rang de teenager rouge tomate, fallait-il être bête tout de même…
Et mon mari ? Il m’accompagnait bien sûr, mais pas à la convention, juste pour papoter avec nos amis à Londres et peut-être visiter un musée ou deux et quelques pubs. On s’était copieusement engueulé d’abord, et puis il avait fini par céder et nous acheter les billets d’avion, à la condition que je ne consacre qu’une journée à la convention et le reste aux amis. Il était jaloux comme un pou, mais parlait mal l’anglais, ça n’aurait servi à rien qu’il m’accompagne.
On était arrivé le vendredi soir, on avait bien rigolé avec les copains. Il avait sorti toutes ses anecdotes de son frais mandat de maire. Il n’y avait guère autre chose qui comptait pour lui en ce moment, et je comptais un peu sur ce week-end pour rallumer un peu la flamme… Le samedi, j’étais partie aux aurores, un plan de Londres d’un côté et les horaires du train de l’autre et ceux du métro au dos, bref, fin prête à en découdre ! Je m’étais maquillée, j’avais brossé mes dents et j’étais sur mon 31, mais simple, chaussures plates en vue du trajet que j’avais à faire. On avait fait le petit bisou habituel, celui qui ne voulait plus rien dire et j’étais partie toute excitée, la fleur au fusil.
J’avais d’abord galéré avec le train, et puis avec le métro, et je peinais à me repérer pour trouver la convention, quand j’avisais une bonne femme avec des vêtements excentriques et un bonhomme qui jouait avec un tournevis sonique. Je me mis en devoir de les suivre, et je tombais enfin sur le saint Graal. Une énorme halle remplit d’un monde fou, tout ça jacassant en anglais avec un fond sonore très envahissant, des animations de tous les côtés et des files d’attente à faire pâlir les Postes d’autrefois.
Je mis un temps infini avant de repérer la file pour les autographes et enfin, celle pour Supranatural et je fis du sur place pendant un temps fou. Vers 13h je me demandais si j’allais continuer ou partir manger un truc sur le pouce. A 13h30, je partis manger, tout était diablement cher. J’avais promis à mes deux garçons de leur ramener un truc, mais la moindre babiole en toc était à un prix fou.
L’après-midi se passa de la même façon, à piétiner en attendant mon tour, avec des gens qui me bousculaient sans s’excuser et semblaient vraiment beaucoup plus s’amuser que moi. J’avais un mal de tête qui montait, c’était horrible. Enfin arrivée à mon tour, l’acteur m’expédia parce qu’il devait partir au meeting des questions-réponses et je me retrouvais avec une superbe photo signée, sans mon nom.
Avec tout ça, je faillis rater mon train pour revenir chez mes amis. J’étais frustrée, lessivée et très déçue, mais je ne laissais rien paraître, ça aurait fait trop plaisir à mon mari ! Le dimanche se passa en balade et papotage, on se plaignit mutuellement de nos hommes qui faisaient de même devant nous. J’aimais bien la ville, elle avait un mélange équilibré d’ancien et de récent et de très bonnes vibrations. Finalement on se prépara à repartir, c’était passé bien vite et notre visite n’avait pas du tout eu l’effet escompté.
Mon mari me bouscula pour partir vite à l’aéroport, nous avions un vol en fin de journée et il pensait déjà à son conseil municipal et à tout ce qu’il allait devoir faire encore d’ici là. Je laissais mon regard vagabonder pendant qu’il s’occupait de nous enregistrer. J’ai toujours trouvé les aéroports compliqués à comprendre, il faut s’enregistrer, laisser ses bagages et se reenregistrer, sortir ses chaussures, toujours penser à mettre des chaussettes sans trou. Bref, c’est grand, on n’y comprend rien et ça m’angoisse beaucoup.
Soudain, je vis un ours en peluche tomber d’une valise, je laissais mon mari et ma valise, ramassais l’objet pour le rendre à son propriétaire « Sir, sir, you dropped this ? » (Monsieur, vous avez perdu ceci ?) dis-je avec un accent approximatif. Un homme se retourna, l’air complètement épuisé et me remercia chaleureusement. Je le reconnus de suite, c’était Misha Stephens de Supranatural et j’ajoutais « with pleasure, mister Stephens ! »(Avec plaisir, monsieur Stephens) ce à quoi il répondit « Ho, you were at the convention ? » (Ho, vous étiez à la convention ?). J’avais enfin engagé la conversation avec un de mes acteurs favoris, lorsqu’un bougonnement tonitruant nous interrompit, c’était Johnson Tackles qui revenait le chercher. Moqueuse, je dis en manière d’au revoir « Oh you’re travelling with an angry bear ? » (oh, vous voyagez avec un ours colérique). Je n’avais pas plus tôt fini que mon mari m’interpela de loin et Misha répondit « you too ! » (vous aussi !) en rigolant. Je lui souris largement.

A ce moment là, un autre type, sur ma gauche, se mit à crier : « Winhunters, you’re going to die ! » (Winhunters, vous allez mourir !) Et là, je ne sais pas ce qui m’a pris, si c’était l’énervement d’être pressée, le fait de sentir mon mari énervé ou que je ne puisse pas profiter de 5 minutes de pur bonheur en anglais, je me suis mise à incendier le pauvre homme. Tout en restant polie, je lui fis remarquer que la convention était finie et qu’il n’y avait pas de raison de continuer à faire des animations et que ça commençait à bien faire toutes ces blagues de potache, quand on est adulte ! Le tout dans un anglais approximatif, j’ai toujours eu des difficultés avec les temps des verbes. 

La vieille connaissance

Une vieille connaissance 
Qui prend ses quartiers
Sans prévenir, 
Insidieusement.

Bow, je m'ennuie 
Et si j'imaginais...
Et en un rien de temps
Vous voilà plongée ailleurs
Dans un ailleurs
Terrible 
Ou fabuleux

Tout le monde est aux petits soins 
Pour vous
Les ennuis d'argent
Sont résolus,
D'une façon tragique
Ou romantique
Vos tracasseries disparaissent.

Mais le vague à l'âme 
Lui
S'installe
Tout devient fade et sans saveur
Plus d'envie de cuisine
Plus d'envie de jardinage
Les sudokus résistent
Les mots croisés lassent
La musique énerve
Les oeuvres d'art frustrent
Les cours sont faits, au dernier moment
Et les rendez-vous copieusement
Oubliés

Bref, c'est la débandade
La bérézina
Tout plutôt que de voir
Ce qui fait vraiment peur
L'inconnu
L'imprévu
Le changement qui va s'installer 
Pour longtemps
Une autre concurrente
Entre mon homme et moi
Un besoin impérieux qu'on s'occupe de moi
Qui ne sera jamais assouvi
Et s'il l'était
Qu'est-ce que j'en serais mal à l'aise !

Plusieurs signes
Plusieurs feux allumés
Des directions indiquées
Que j'ai peur d'emprunter...
Bien cachée derrière mon ordinateur
Fidèle 
Comme la souris dans son trou.