Apprendre la patience

Dans la salle d'attente

Bondée, 

Nous prenons

Notre place

En silence

Dans un silence

Lourd

De gens dépités

Même les magazines

Semblent las...

Après un temps infini

C'est mon tour

Un nounours

Impressionnant

Mais apathique

Nous accueille

Barbe fournie

Grosses mains

Aux ongles ras

Je m'installe dans le fauteuil

Et c'est le rituel immuable

Je compte les carrés 

Du plafonnier

Il ne dit rien

Se rend au petit lavabo

Dans l'angle

Savon

Dessus

Dessous

Entre les doigts

Serviette

Même chose

Puis la reposer

Délicatement

Bien à plat

Au-dessus du radiateur

"Ouvrez,

Fermez,

Hum hum...

Mademoiselle

Les radios !"

Toujours introuvables

Les dossiers

Dix minutes

A disparaître

Dans les archives

Empoussiérées.

Signes cabalistiques

Sur ma radio

"Bien, on continue comme ça,

On se revoit dans un mois !

Prenez rendez-vous !"

La patience

Attendre près 

D'une heure trente

Pour vingt minutes

De passage

Recherche du dossier

Compris

Et refuser catégoriquement

Qu'on s'occupe 

Des dents du bas

Tant pis ! 

Nouvel itinéraire

Si mon travail

Me pousse

Sur les hasards

D'une nouvelle route, 

J'appréhende...

Peut-on aller vite ?

Serai-je en retard ?

Doit-on être prudent ?

Y a-t-il des virages ?

Puis je me lance

Avec ma fidèle compagne

Dans l'aventure ! 

Elle ronronne

Dans des lacets 

Qui me dévoilent

Un vieux chêne

Un lapin intrigué et fuyant

Une montée qui n'en finit jamais

Puis c'est la ligne droite, 

Perçant son chemin

A travers champs

Révélant une maison de maître

Finement restaurée

Un pigeonnier solitaire

Une petite chapelle délaissée

Une ambiance familière

Avec les piquets en bois de guingois

Les poules envahisseuses

Dans les fermes vieillissantes

Côtoyant des maisons modernes

Fraîchement finies.

Tout un univers nouveau

Qui redessine mon GPS intérieur

Rajoutant un pan de carte

Entre deux itinéraires éculés

Ce n'est qu'un petit bout 

D'un petit bout 

De France

Rien 

En face du Monde

Et pourtant 

Tout 

Pour moi

Au baromètre des oiseaux

Si une chauve-souris

Fend l'air

En silence

C'est la nuit

Avalera-t-elle

Tous les moustiques

Au passage...

Si un merle

De son saut sonar

Se balade au jardin

Présence de vers

Terre fertile

C'est l'automne

Si ça roucoule

Dans les fils électriques

Tourterelles

Se contant fleurette

C'est le printemps

Si un vol en V 

Traverse le ciel

Les canards sauvages

S'encouragent bruyamment

A déménager 

C'est l'hiver

Si soudain

Une alarme

Retentit

Un chat tu verras

Près du hoche-queue

Téméraire

Protégeant sa jeune couvée

C'est une douce saison

Si tu n'entends rien

Dès le soleil levé

Quelle que soit la saison

Un poison invisible

Est dans l'air

Et gare à toi 

Pour quelques jours

Sous le signe de Janus

Janvier, 

La nouvelle année

Le temps

Du bilan

De l'année d'avant

Ou pas

Ce qui a été fait

Est fait

Ce qui a été dit

Est dit

Ce qui compte

C'est le présent

Laisser derrière soi

Ce qui ne nous appartient pas

Ce qui nous alourdit

Ce qui nous peine

Partir d'un pas léger

A la conquête

D'un futur proche

De rencontres

De créations

De joies

Grand ménage d'hiver

On brade, on évacue,

On se réapproprie

Des tiroirs délaissés

Des armoires empoussiérées

Des souvenirs entassés

L'énergie revient

L'envie suivra

Le seuil est franchi

Le regard de Janus

Se tourne vers le plus loin