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Libération 3

    Par un effet bizarre, les gens se mirent à nouveau à réfléchir et à trouver des solutions pour l'avenir immédiat. On avait poussé et poussé encore à l'autonomie, tant et si bien qu'on y était arrivé ! Privatiser, délocaliser, pousser aux auto-entreprises, privilégier les emplois à domicile, l'Etat avait poussé fort, à coup de subventions pour l'isolation, les nouveaux moyens de chauffage, les panneaux solaires. Finalement, ça avait marché et même au-delà de leurs prévisions.

    Les habitants avaient développé de nouveaux réseaux de personnes ressources pour la nourriture, les réparations, les énergies renouvelables, jusqu'aux graines, aux animaux de compagnie, aux chantiers participatifs, aux coups de main contre apéro. Peu à peu, les médias étaient délaissés, dépassés, tout comme les ordinateurs, moteurs de recherches, inappropriés maintenant. Le rythme avait changé, et les faillites menaçaient.

    Les grands groupes avaient beau payer à prix d'or de nouveaux stratèges pour avoir des idées innovantes qui suivent les goûts du marché, le marché lui-même, réel, était insaisissable pour les géants du virtuel. Même les téléphones étaient en voie d'extinction !!! On n'avait plus le temps de les consulter, on sentait les vibrations à l'utilisation, la chaleur aussi, on préférait s'amuser en vrai : pétanque, belote, scrabble, les jeux de société avaient le vent en poupe.

    Des rassemblements spontanés avaient lieu sur des places à jour fixe, on venait, on ne venait pas, c'était simple. Peu à peu, les gens changeaient de rythme, faisaient des pique-niques, nettoyaient la nature à cette occasion. On ne comprenait plus les rivières et les mares sales, on ne comprenait plus les décharges et leurs dangers pour l'environnement. On construisit des usines, comme en Irlande, chargées de transformer le plastique en pétrole, d'autres qui récupéraient les fumées de combustion pour les stocker sous forme de gaz ou nourrir des algues. On se montra créatifs et ingénieux, et surtout pointilleux sur la discipline et le respect.

    Avec ce type d'attitude, il était difficile de proposer de nouvelles choses à acheter, on préférait recycler, redécorer, créer soi-même. Toute une société, basée sur l'argent, la compétition, la concurrence, se désagrégeait par petits bouts. Les commerces essayèrent de vendre des objets neufs qui ressemblaient à l'ancien, mais ça fonctionnait très mal et très difficilement.

    A force de hausses des prix et d'encouragement à l'autonomie, on avait nourri le bon loup, l'optimiste, celui qui essaie et vise plus haut, sans rabaisser les autres autour de lui. Celui qui ne se décourage pas, tente encore, améliore ou se contente de peu. L'Ulysse attaché à son mât avec de la cire d'abeille dans les oreilles, qui n'entend plus les sirènes et reprend les rênes de sa vie.

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