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Les Néréides 1

Ils étaient deux, un homme et une femme, amoureux l’un de l’autre et tous les deux de la science. Ils voulaient faire progresser les choses et leur bien-aimée science. Les raisons profondes pour lesquelles ils ont agi ainsi resteront à tout jamais perdues. Mais, à partir de leur découverte, un faisceau de circonstances tragiques a conduit à ce que je ne puisse vous écrire ces quelques faits que, retranchée sous la table de mon bureau, le cœur palpitant au moindre bruit, n’écrivant qu’à la lumière du jour qui décline et n’osant rien allumer… non ! je suis sûre qu’elles sont là, dehors, à rechercher ce qui bouge encore, hors de leur contrôle. Je vais vous dire ce que je sais et ce que j’ai appris, à vous qui me lirez plus tard, si vous n’êtes pas des leurs… Je laisserai ce message caché dans le rebord du faux tiroir de ce bureau et j’essayerais ensuite de fuir vers le laboratoire, pour tenter quelque chose…
Voici ce que je sais du départ de toute cette histoire et de ses conséquences incontrôlables : le couple, dont je vous ai parlé plus haut, avait décidé de prouver que les sirènes, décrites dans les récits de l’antiquité, ont réellement existé et qu’il était donc possible d’en trouver la trace et de les recréer. Ils passaient tout leur temps dans leur laboratoire, à travailler sur l’ADN d’animaux dont je ne connais pas le nom et dont j’ignorais même l’existence. Au dehors, la vie suivait son cours et il était bien difficile pour eux d’élever avec soin leurs deux enfants, adorables au demeurant, mais turbulents, comme des enfants. Ils ne les autorisaient, que rarement, à entrer dans leur laboratoire et leur interdisaient, évidemment, de toucher à quoi que ce soit. Bien sûr, les enfants ne suivaient aucune de leur consigne : leur but n’était pas de voir le laboratoire, mais d’obtenir leur attention, à eux, leur parent. Cependant, pour éviter les foudres parentales, ils agissaient toujours en cachette, dérobant un stylo ici pour le remettre là-bas, tout mâchouillé, subtilisant des notes pleines de chocolat ou collantes de chewing-gum. Leur tâche était facilitée par la vitesse avec laquelle les deux scientifiques faisaient abstraction de leur présence, lancés sur une nouvelle piste et concentrés tout entier sur de nouvelles manipulations.

Un jour, pourtant, ils eurent à regretter amèrement leur attitude, mais ce fut malheureusement trop tard. Comme à chaque fois que les enfants venaient, les parents leur interdisaient systématiquement de s’approcher à moins d’un mètre d’une certaine armoire. Les petits, croyant qu’elle contenait des boissons magiques qui hypnotisaient leur parent, finirent par arriver à l’ouvrir et se saisirent chacun d’une sorte de petit verre qui contenait un liquide coloré aux reflets enchanteurs. D’une traite, ils en avalèrent le contenu qui se révéla tenir d’avantage de l’huile de ricin que du philtre d’amour, ils remirent les verres en place et se retirèrent à la cuisine pour manger quelque chose qui ferait disparaître l’odieux goût dans leur bouche. Il ne fallut que quelques semaines pour que nos deux scientifiques retrouvent les auteurs de cette disparition, les signes en étaient évidents : une forte propension à prendre des  bains, l’envie impérieuse de manger du poisson et des modifications physiques impressionnantes. 

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