Ils étaient deux, un homme et une femme, amoureux l’un de l’autre et tous
les deux de la science. Ils voulaient faire progresser les choses et leur
bien-aimée science. Les raisons profondes pour lesquelles ils ont agi ainsi
resteront à tout jamais perdues. Mais, à partir de leur découverte, un faisceau
de circonstances tragiques a conduit à ce que je ne puisse vous écrire ces
quelques faits que, retranchée sous la table de mon bureau, le cœur palpitant
au moindre bruit, n’écrivant qu’à la lumière du jour qui décline et n’osant
rien allumer… non ! je suis sûre qu’elles sont là, dehors, à rechercher ce
qui bouge encore, hors de leur contrôle. Je vais vous dire ce que je sais et ce
que j’ai appris, à vous qui me lirez plus tard, si vous n’êtes pas des leurs…
Je laisserai ce message caché dans le rebord du faux tiroir de ce bureau et
j’essayerais ensuite de fuir vers le laboratoire, pour tenter quelque chose…
Voici ce que je sais du départ de toute cette histoire et de ses
conséquences incontrôlables : le couple, dont je vous ai parlé plus haut,
avait décidé de prouver que les sirènes, décrites dans les récits de
l’antiquité, ont réellement existé et qu’il était donc possible d’en trouver la
trace et de les recréer. Ils passaient tout leur temps dans leur laboratoire, à
travailler sur l’ADN d’animaux dont je ne connais pas le nom et dont j’ignorais
même l’existence. Au dehors, la vie suivait son cours et il était bien
difficile pour eux d’élever avec soin leurs deux enfants, adorables au
demeurant, mais turbulents, comme des enfants. Ils ne les autorisaient, que
rarement, à entrer dans leur laboratoire et leur interdisaient, évidemment, de
toucher à quoi que ce soit. Bien sûr, les enfants ne suivaient aucune de leur
consigne : leur but n’était pas de voir le laboratoire, mais d’obtenir
leur attention, à eux, leur parent. Cependant, pour éviter les foudres
parentales, ils agissaient toujours en cachette, dérobant un stylo ici pour le
remettre là-bas, tout mâchouillé, subtilisant des notes pleines de chocolat ou
collantes de chewing-gum. Leur tâche était facilitée par la vitesse avec
laquelle les deux scientifiques faisaient abstraction de leur présence, lancés
sur une nouvelle piste et concentrés tout entier sur de nouvelles
manipulations.
Un jour, pourtant, ils eurent à regretter amèrement leur attitude, mais
ce fut malheureusement trop tard. Comme à chaque fois que les enfants venaient,
les parents leur interdisaient systématiquement de s’approcher à moins d’un
mètre d’une certaine armoire. Les petits, croyant qu’elle contenait des
boissons magiques qui hypnotisaient leur parent, finirent par arriver à
l’ouvrir et se saisirent chacun d’une sorte de petit verre qui contenait un
liquide coloré aux reflets enchanteurs. D’une traite, ils en avalèrent le contenu
qui se révéla tenir d’avantage de l’huile de ricin que du philtre d’amour, ils
remirent les verres en place et se retirèrent à la cuisine pour manger quelque
chose qui ferait disparaître l’odieux goût dans leur bouche. Il ne fallut que
quelques semaines pour que nos deux scientifiques retrouvent les auteurs de
cette disparition, les signes en étaient évidents : une forte propension à
prendre des bains, l’envie impérieuse de
manger du poisson et des modifications physiques impressionnantes.
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