C’était à peine fini, que le
téléphone sonna, le fixe et nos deux portables. Je regardais mon mari,
désespérée « qu’est-ce qu’on fait maintenant ? », « Il faut
répondre, on n’a pas le choix… » J’aurai mille fois préféré qu’il me dise
« Fais tes valises, on part à Tombouctou ! » Même un tout petit
trou de souris m’aurait suffit…
Sans se parler, on s’était mis
d’accord, chacun répondait à ses parents. Je faisais mes copines, il faisait
les membres du conseil. Au bout de quelques heures, on en a eu assez et on a
éteint tous les téléphones. Il fallait expliquer que c’était arrivé comme ça,
que je ne l’avais pas fait exprès et que oui c’était vrai, ce n’était pas un
montage. Ma mère déclara « Tu nous surprendras toujours ! », mon
frère fut averti des faits plus tard, il avait bien trop d’occupations diverses
pour regarder le journal télévisé. On me china, on se moqua, la fameuse photo
fut placardée à l’école, bref, ce fut un mois vraiment affreux pour moi. On me
donna des tonnes de surnom : fantastic Valérie, la frenchie fabuleuse,
fantastic (au lieu du prénom), la négociatrice de rêve et bien d’autres encore…
Par contre, il ne fallut pas
longtemps pour que je reçoive des coups de fil en anglais. Je n’y connaissais
rien en programme anglais, mais tous voulaient une interview à Londres et tous
proposaient une somme d’argent contre l’exclusivité. Assez rapidement, j’eus
aussi des coups de fil avec un fort accent américain. A tous, je répondais la
même chose « I’m sorry, but for the moment I don’t give any interview, I
have too much work. Sorry… Goodbye ! » (Je suis désolée mais pour le moment, je ne donne aucune interview, j’ai
trop de travail. Désolée… Au revoir !)
Le pire fut lorsque je partis
faire mes cours de soutien à domicile, comme d’habitude. Certains élèves
faisaient semblant de se ratatiner sur leur chaise en disant, « Ne me grondez
pas Madame, je promets d’être sage ! » Des parents furent très
étonnés que je regarde ce genre de série et que je me déplace à des
conventions ; mais ils considéraient tous que ça relevait de ma vie privée
et tant que je faisais bien mon travail, ils n’y voyaient pas d’inconvénient.
J’eus aussi droit à quelques blagues pendant quelques temps, mais tout finit
par rentrer dans l’ordre.
Les coups de fil ne cessaient
pas pour autant et ils devenaient même plutôt insistants. Jasper m’envoya même
un numéro de téléphone en me disant de ne pas l’ignorer, que c’était son
producteur et qu’il voulait me joindre. Sur le coup, je me dis encore une
blague, mais je l’eus effectivement au téléphone dès le lendemain. Il se mit à
m’expliquer de façon très alambiquée que l’aéroport ne faisait pas partie de la
convention, mais que si vraiment j’y tenais, on pourrait penser que peut-être
l’événement pouvait découler de sa série et qu’on pourrait même envisager un
dédommagement pour le traumatisme subi. Je résumais la situation pour voir si
j’avais bien compris « vous voulez me donner de l’argent pour ne pas que
je vous attaque en justice, parce que j’ai incendié un homme dans un aéroport
devant vos acteurs ? » dans un anglais toujours approximatif. Je lui
dis que je ne fonctionnais pas comme ça, ni moi, ni mon mari et qu’il n’avait
aucun souci à se faire de ce côté-là… Par contre, s’il trainait des photos
dédicacées de la série, j’étais preneuse ! Il se décontracta tout à fait,
il avait l’air de sourire au téléphone et me promit de m’envoyer de très
nombreux cadeaux avec un grand plaisir. Je lui dis que Jasper avait ma carte
avec mon adresse et que je le remerciais beaucoup d’avance.
J’en parlais avec mon mari à
midi, il me dit que j’avais été bête, que j’aurais dû demander de l’argent, et
puis, il se ravisa et dit que j’avais eu raison, qu’on n’était pas comme ça,
mais qu’il fallait qu’on trouve une solution pour tous ces appels. On mit au
point une stratégie, je demanderais à nos amis de Londres quelle émission était
la plus sérieuse avec les noms des journalistes les plus fiables et je ferais
la même chose pour les Etats-Unis avec Jasper et sa bande, tout en expliquant
que je ne pourrais pas aller si loin. En outre, je demanderais à Jasper comment
il négociait ses interviews, ce qu’on demandait d’habitude et comment ça se
passait. L’idée de me retrouver toute seule sur un plateau télévisé avec des
milliers de personnes qui me scrutent, tout en essayant de ne pas dire de
grosses bêtises en direct, me rendait malade. Mais c’était encore la meilleure
solution pour qu’on me laisse reprendre ma petite vie tranquille.
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